Saturday, September 1, 2012

Quelques reflexions en quittant les Etats-Unis

En arrivant au Etats-Unis par l'Arizona nous avons d'abord eu l'impression d'arriver en territoire connu. Les petites villes aux larges rues pleines de grosses voitures américaines et de pick-up sont exactement comme dans les séries et les films dont nous sommes continuellement abreuvés partout. Mais en parcourant d'autres parties du pays, sa taille et sa diversité nous ont impressionnés. En creusant un peu on découvre encore un “pays-continent” à la mesure de la Chine, de l'Inde ou du Brésil, plus complexe, intéressant et stimulant que l'image rapide qu'on en a depuis l’exterieur.

Immigration

Il y a des gens de toutes les couleurs, de toutes les cultures, de toutes les religions pour composer l'identité américaine : à Philadelphie par exemple, nous avons eu l'impression que les afro-américains, les asiatiques, les italiens, et les mexicains vivaient en très bonne entente, tout comme les francs-maçons, les quakers, les catholiques ou encore les juifs qui hébergent dans leurs synagogue les offices des épiscopaliens dont l'église voisine est en travaux. Toutes les femmes de ménage que nous avons croisé aux Etats-unis étaient hispanophones, et les indications du métro de san francisco sont en anglais, espagnol et chinois. Ce pays a sû se construire avec succès sur l'immigration, en faisant confiance à ceux qui ont sont venus y tenter leur chance, même (surtout !) les pauvres. Si beaucoup de communautés vivent tout de même un peu sur elle-même, elles semblent toutes attachés à l'Amérique, à ses valeurs – la liberté notamment -, son drapeau, et en sont fières. (Quand on dit que l'identité européenne n'est pas facile à construire parce que nous avons des langues, cultures, religions ou taxes différentes, regardons les communautés et les états américains...)

Positifs

Les américains ont une énergie positive, une confiance, un contact facile, une tolérance et une gentillesse dès le premier abord. Depuis serveuses (évidemment intéressées par un bon pourboire), jusqu'aux gens à qui nous avons demandé des indications ou que nous avons simplement rencontré. Même à New York la “ruche trépidante” on nous explique qu'une personne qui se sent seule trouvera toujours son voisin de bar disposé à l'écouter avec bienveillance, là où en France, plus méfiants par principe, nous avons probablement plus de mal à nous laisser aborder, et à dépasser le préjugé que nous collons d'emblée à une personne en fonction de son style vestimentaire ou de langage. Dans un autre registre, le fils d'une amie qui aimerait devenir astronaute est parvenu à trouver le contact d'un type de la NASA : celui-ci a accepté de passer plusieurs fois du temps au téléphone avec lui pour répondre à ses questions, là où en France un enfant de 12 ans n'aurait probablement pas été pris au sérieux. Les américains croient plus en leur destinée, et vont toujours essayer de tourner les choses positivement (un peu trop parfois peut-être). En France nous sommes assez critiques, et nous prenons les critiques de manière personnelle.

Efficacité

Les américains ont un côté efficace et donnent le droit à l'erreur : d'après ce qu'on nous décrit, les américains réfléchissent moins que les français avant d'agir, mais essaient plus vite, plus de choses, ce qui les rendraient, dans l'ensemble, plus optimistes, plus efficaces et moins critiques. On constate par exemple ce phénomène dans le secteur des medias ou d'internet, dans lesquels de nouvelles choses sont sans cesse lancées (des séries à New York ou des start-up à San Francisco), vite arrêtées si elles ne fonctionnent pas, mais avec l'espoir que dans le tas il y aura un ou deux véritables succès. En revanche si ce pli américain permet souvent plus d'efficacité, il génère aussi des aspects négatifs lorsqu'il est excessif : si la nourriture est au Etats-unis par défaut pleine d'antibiotiques, d'OGM, de sucre artificiel à base de maïs, et d'hormones, c'est parce que le principe y est d'autoriser quelque chose jusqu'à ce que l'on prouve qu'il est dangereux, au contraire de notre principe de précaution bien européen.

Inégalités des chances
Malgré les apparences, la vie n'est pas toujours facile pour tous aux Etats-Unis. Nous avons été très étonnés du nombre de clochards que nous avons croisés sur la côte ouest, et on nous a vite précisé que la plupart de ceux que nous croisons avec de belles voitures se sont endettés pour les acquérir (idem pour leurs maisons, leurs études etc) D'ailleurs aux Etats-Unis si on a pas déjà des dettes prouvant qu'on a une capacité de remboursement, on a plus de mal à emprunter. Et plus on achète à crédit avec ses cartes bancaires -qui font des crédit bien plus ambitieux que nos cartes françaises- plus on gagne des points qui permettront d’emprunter encore plus.. Après l'immobilier, on nous prédit une crise à cause des énormes prêts étudiants qui s'accumulent et ne seront pas tous remboursés à temps. Des études récentes expliquent que l'ascension sociale promise par le rêve américain n'est aujourd'hui plus possible, ou en tous cas dans une moindre mesure qu'au Canada ou peut-être même en Europe – bien que les gens croient bien plus à ce rêve aux Etats-Unis qu'ailleurs (ce qui est peut-être le plus important finalement...).

Santé
On nous explique d'ailleurs qu'en l'absence de sécurité sociale, le premier facteur de faillite personnelle dans le pays est le fait d'avoir un problème de santé, ce qui concerne même des gens aisés mal assurés : l'ami qui nous héberge à Washington a eu une crise cardiaque à 35 ans, et il s'est vu refusé toute assurance pendant 4 ans parce que les assureurs fonctionnent comme nos assureurs auto, ils donnent des malus, et refusent même d'assurer les risques les plus importants. Les carrières de médecin sont parmi les plus prometteuses, leurs tarifs sont exorbitants et une majorité de gens se soignent eux-mêmes ou attendent le plus longtemps possible avant de consulter. Un accouchement coûte minimum 20 000 $ à New York si la mère ne reste que 24 h à l'hôpital, et le pays compte une mortalité infantile conséquente, à plus de 6 pour 1000 (35e place mondiale) contre par exemple 3,5 pour 1000 en France (5e place mondiale).

Argent
Un autre aspect qui nous a déplu est l'omniprésence du portefeuille, avec l'argent qui sert d'étalon à tout jugement : là où en France on dit “10 maisons ont brûlé” on dit aux Etats-Unis “il y en a pour 5 millions de dégâts”, un bon film est un film qui rapporte, et un peu comme en Chine un garçon va souvent devoir détailler ses revenus à une fille pour avoir une chance de sortir avec elle et la bague qu'il lui offrira répondra à la question “combien il m'aime” (les américains et les chinois se retrouvent sur le côté pragmatique voire matérialiste, et aussi très tournés vers la consommation, avec des conséquences sur l'environnement, sur la qualité de la nourriture...). On nous dit que beaucoup d'américains ont en quelque sorte la devise “Travailler, avoir, paraître”.

Règles

Il y a aussi chez beaucoup d'américains un certain manque de souplesse et un côté très tatillon avec les règles (que nous avons déja vu chez d'autres anglo-saxon comme en Australie). On nous raconte qu’un employé fera souvent uniquement ce qui sera mentionné dans son contrat, prendra sa pause déjeuner quelles que soient les circonstances, et que s’il cuisine, il suivra a la lettre sa recette, sans penser à éventuellement remplacer un ingrédient qui lui manque par un autre similaire qu’il aurait. On retrouve ce côté à un autre niveau par exemple avec l'interdiction de consommer le moindre alcool avant 21 ans alors que l'on peut conduire dès 16 ans, et acheter des armes à feu à 18 ans (et que de toutes façons tous les jeunes se font faire de fausses pièces d'identité). Peut-être peut-on relier cette manière de fonctionner au système d'éducation public, puisque celui-ci n'utilise quasiment que des QCM pour évaluer les élèves : on encourage peu les enfants à développer leur esprit critique.

Manichéisme
De manière générale cela n'aide pas à sortir de raisonnements ou d'opinions manichéens. Une majorité d'américains sont chrétiens, mais un bon nombre d'entre eux nous ont paru excessifs et catégoriques, ce qui nous dérange. L'Amérique n'est pas un pays vraiment laïc : tous les enfants qui vont à l’école publique prient devant le drapeau tous les matins à l'école, et certains états enseignent le créationnisme (c’est-à-dire que des profésseurs de sciences naturelles enseignent que le monde à été crée par Dieur en 7 jours). D'ailleurs si nous avons été étonnés de si bien nous entendre avec chacun des nombreux prêtres catholiques que nous avons rencontrés pendant notre voyage, c'est aux Etats-Unis que nous avons trouvé un contre-exemple, qui a utilisé son temps de sermon pour descendre Obama et son infâme projet de sécurité sociale menaçant la liberté des catholiques... C'était si violent que nous avons failli partir, préférant finalement lui envoyer un mail après coup. Heureusement les 5 autres prêtres que nous avons rencontrés aux Etats-Unis étaient bien plus fins.

Lobbying
Les défenseurs du port des armes le sont aussi au nom de leur liberté... et nous avons été interloqués de croiser des promos “bière et munitions” en Arizona. Mais à ce sujet il y a un autre aspect qui nous déplaît fortement dans ce pays, c'est le lobbying excessif, qui empêche notamment de limiter le port d'arme. On nous explique aussi que la Cour Suprême – à majorité républicaine – a fait passer en 2010 une règle qui autorise toute entreprise à faire des dons illimités à un parti politique en tout anonymat (ce qui était déjà autorisé aux individus), à mille lieux de nos budgets de campagne limités et contrôlés pour prévenir les conflits d'intérêts et histoires de corruption. Nous vous recommandons par ailleur le documentaire passionnant « Inside Job » sur les conflits d'intérêts dans le monde de la finance aux Etats-Unis (ce qui n'est pas sans conséquence pour le reste du monde comme la crise de 2008 l'a prouvé).

Complexité
Mais les Etats-Unis, c'est surtout un pays gigantesque et multiple : il n'y aucun rapport entre les deux familles habillées comme dans “la petite maison dans la prairie” croisées en Utah et à Philadelphie, et les hommes que nous avons croisés se promenant tout nus dans les rues de San Francisco (c'est autorisé pour peu que l'on apporte un coussin pour s'asseoir dans les lieux publics, et à condition que les hommes ne soient pas excités). Il y a aussi une ambiance très différente entre la frénésie de New York et une ville posée, écologique et avancée comme Portland. Ou encore entre le métissage de Philadelphie, et le côté conservateur blanc de Boston. Finalement ce qui est le plus intéressant et qui nous a le plus surpris, c'est qu'on imagine souvent les américains centrés sur eux, inaptes à la remise en question et ignorants de l'extérieur. Si c'est peut-être un peu vrai dans certaines régions, nous avons rencontré surtout des gens ouverts, cultivés, et critiques sur leur propres pays : ce sont aussi eux qui nous ont mieux expliqué le gâchis, le surendettement, la malbouffe, le lobbying, le poids des armes... Quelque part il y a aux Etats-Unis des gens très différents de nous, mais aussi des gens très proches de nous. La force de ce pays c'est peut-être d'avoir à la fois certains extrêmes, et ceux qui les remettent en question et inventent demain.

1 comment:

  1. Merci beaucoup pour cette analyse très intéressante. L'autorisation du port des armes aux USA continue de me poser question...

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