Thursday, November 24, 2011

Mercis chinois (suite et fin)

Merci à José, Sarah, Nathalie, Vincent, Serge, et Anthony pour un passage très sympa à Litang, merci à Damien et Ting, Estelle, et Guillaume pour un repas délicieux à Shangri-la qui nous a presque fait oublier la défaite du 15 de France, Merci à Bruno pour une excellente balade à vélo à travers champs, Merci à Patrick pour son accueil et sa vision inspirante de l'hotellerie. Merci à jean-Yves pour son accueil à Dali, à Hélène et Hubert de nous avoir ravitaillé en fromage et en lacture censurée, à Camille pour son curry de poulet, à Matthieu pour la dégustation de thé, et à Alain pour le cours de Go. Merci au père Larry pour son temps. Merci à Pei Shan et Olivier pour leur accueil à Lincang, Jacques et Jacqueline de nous avoir embarqué pour une excursion très sympa à Xiding, et merci à Steven pour ses histoires sur le Yunnan et Jingong. Merci à Dima et Jenya, rencontrés dans le train de nuit. Merci à Isabelle et Fédérique pour leur accueil et un massage de pieds mémorable à Shenzen. Merci à la communauté des ESCP (et sympathisants) de Hong Kong pour une sympathique soirée vin-rillettes : Emmanuelle, Jean-Christophe, Jan, Nicolas, Violaine, Emilie, et tous les autres. Un grand merci à Joy et Tam de nous avoir hébergé et fait profité de Hong Kong, Merci à Sandy et Amy pour une soirée sympa. Merci à Alain pour son temps et une discussion très intéressante. Merci au père Bruno pour ses explications sur l'église en Chine.

De la difficulté de trouver un endroit paumé en Chine



On a beau être en vacances pour 18 mois, il nous est parfois nécessaire de prendre des vacances de ces vacances... Je m'explique : quand on voyage sac au dos, ne sachant pas le matin où l'on dormira le soir, et une fois ce souci bassement matériel résolu, se demandant ce qu'il faut faire et voir dans le nouvel endroit où l'on vent d'arriver, c'est fort palpitant, mais ça finit par être un peu fatigant. (Et en plus, quand on est en couple 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, quand on fatigue, on finit par se disputer). Du coup, on à envie de vacances, de calme, de repos dans un endroit paumé donc.

C'est là que les choses deviennent compliquées.
descente de la rivière Li en convoie de "bamboo raft"
Guilin est déjà un très grosse ville (ancienne capitale régionale, plusieurs millions d'habitants). On opte pour Yangshuo, qui est supposé être un village plus pittoresque, en aval sur la rivière Li. Sauf qu'on nous prévient que c'est hyper touristique, et pas franchement calme. Bon, alors sinon notre guide recommande Xingping, un autre village plus petit, non loin, et aussi si la rivière Li. On prend un "bambou raft" pour y descendre. En fait de bambou, il s'agit d'un rafiot de gros tuyaux en plastiques assemblés, avec un moteur basique et très bruyant à l'arrière, et nous descendons la rivière Li en convoi d'une trentaine de tels bateaux. Heureusement, on est à l'heure où les bateaux mouches locaux n'ont pas le droit de circuler sur la rivière. Et en basse saison. Nous voyons des centaines d'autres bateaux garés sur la rivière et qui doivent attendre la haute saison pour être déployés.

Les paysages sont très beaux : des formations rocheuses dites "karstique" bordent la rivière des deux côtés, et la tradition chinoise leur donne des noms poétiques que nous essayons sans succès de retrouver dans les formes des rochers. Ca ressemble aux paysages de la baie d'Halong au Vietnâm.

touristes chinois se faisant prendre en photo
en costumes "typiques" en polyester 

le paisible port de Xingping et ses bateaux-mouches
Arrivés au fameux village de Xingping, nous découvrons qu'il s'agit en fait d'une bourgade d'une taille déjà conséquente, avec hordes de vendeurs de camelote à touriste tout le long du "port". Pas franchement séduits, nous cherchons un peu plus, et découvrons que de l'autre côté de la rivière il y a un plus petit village, Dahebei, où il y aurait une auberge isolée et calme. Que cela ne tienne : nous prenons un bac, et suivons les panneaux fléchés pour arriver à la dite auberge. Qui était sans doute fort isolée et calme il y a encore un an ou deux. Qui est désormais entourée de 4 immeubles en construction. En effet, le gouvernement chinois aurait annoncé il y a peu leur intention d'ouvrir une gare à Xingping en 2015, du coup les infrastructures touristiques sont en plein boum. Alors même que les rues de Dahebei ne sont ni pavées ni goudronnées. Un peu dépités, nous partons explorer les environs, et en prenant un chemin boueux à travers les vergers de pamplemousse (dont c'est la saison). Au bout de 20 minutes de marche, nous tombons sur une ancienne école désaffectée. Nous avons la chance de tomber sur une gentille dame chinoise anglophone, qui nous explique que avec la politique de l'enfant unique, il y a moins d'enfants dans le village, et ils ont été rattachés à l'école de Xingping. Du coup cette école à été reprise par une association sino-américaine qui l'a transformée en hôtel (prêt, mais pas encore ouvert) et dont les profits financent la formation des villageois à l'agriculture bio. Le soleil se couche tandis que les hirondelles volettent le long du bâtiment. C'est calme. On prend !!
 

Nous restons 3 jours dans ce coin, à nous reposer et prendre le soleil. Seuls au monde. Ou presque. Car nous sommes à moins d'un kilomètre de la rivière Li, et les bateaux mouches armés de haut-parleurs réglés sur maximum arpentent la rivière toute la journée, à la queue-leu-leu sur cette autoroute du tourisme, transportant des hordes de touristes chinois se prenant en photo devant chaque rocher. Heureusement qu'on est en basse saison ...

convoi de bateaux-mouches équipés de haut-parleurs

Au final on se sera pas mal reposés, mais dans un calme tout relatif. Et dans tous les cas, d'ici un an ou deux, il y aura certainement 5 ou 6 hôtels supplémentaires construits ou en construction tout autour.

PS : En partant, on passe obligatoirement par Yangshuo, le soit-disant "village" en aval de Guilin. En fait de village, il s'agit d'une ville d'au moins 200 000 habitants en haute saison, avec barre sur barre d'immeubles identiques pour héberger les touristes, des rues entières bordées de restaurants "typiques" pour les nourrir, des stands à souvenir pour leur soutirer un maximum de sous, sans compter des boutiques de luxe (Louis Vuiton !). On est bien contents de passer notre chemin aussi sec !

Sunday, November 13, 2011

Yunnan

 Jamais deux sans trois : nous sommes passés chez Jean-Yves et Fenghua à Shanghai lors de notre premier passage en Chine, et avons croisé JY et sa maman à Chengdu lors de notre deuxième passage. Nous nous devions donc de passer chez eux dans leur grande maison à Dali, dans le Yunnan, d'autant plus que c'était aussi l'occasion d'y retrouver d'autres amis de passage ! Hélène et Hubert nous y ont ravitaillé en bons fromages français. Camille nous a préparé un délicieux curry dont il rapportait tout juste la recette d'Asie du sud-est. Jean-Yves et son ami/associé Matthieu nous ont initié au Yoga. Nous avons eu nous aussi l'occasion de cuisiner un peu ratatouille, gâteaux, cookies. Nous avons marché un peu dans les hautes collines (nous sommes encore à 2000m d'altitude) environnantes.

arracheur de dent officiant sur le marché de Dali
 Nous nous sommes baladés au marché tri-mensuel (en fonction du calendrier lunaire) où les locaux viennent tout acheter et vendre, des hottes en paille aux blousons en faux léopard dernier cri.
achat de piments sur le marché de Dali
  

Clem y aprend que Mamie, sa grand-mère paternelle est partie rejoindre l'éternel. C'est dur d'être loin de la famille dans ces moments là.


Nous quittons Dali pour descendre plein sud, dans la région de Chine appellée Xishuangbanna, aux frontières de la Birmanie, du Laos, et du Vietnam. De 2000m d'altitude à Dali, nous descendons pas mal, il fait plus chaud, et plus humide. La saison des pluies locale est à peine terminée, les rizières en étage sont innondées, les bannaniers chargés de fruits, et les plantations de thé occupent les coteaux brumeux.
grand-mère Dai allant au village
ouvrière ramassant le thé
C'est autrement plus tropical que les montagnes pelées du Tibet! Les Daï sont l'éthnie principale du coin, mais il y en a de nombreuses autres: Hani, Akha, Boulong... Dans les hautes collines, on cultive le thé, en particulier pour faire le Pu'er, thé très prisé des ammateurs et particulier à cette région.

grand-pères Akha sur le marché de Xiding

 Nous visitons un marché local, et nous baladons dans un village. La petite ville de Jonghong n'est pas si petite que ça : on nous dit qu'ils sont en train de construire un veritable New York de gratte ciels à 2 kilometres de là. Le front de rivière est bordé de pagodes pour touristes toutes identiques, la nuit ça ressemble à Disneyland. On nous dit que cette région est la "Floride" de la Chine : les riches retraités y viennent prendre leur retraite depuis quelques années, et ça pas mal changé le paysage.

Nous remontons passer 2 jours à Kunming, la capitale provinciale du Yunnan. Grande ville éventrée par la construction de son premier métro, nous ne sommes pas franchement séduits. Il y a quand même des parcs sympa, un marché aux fleurs et oiseaux, où on se laisse bercer par les chants des boules de plumes dans des cages alignées qui ressemblent à des cellules de prison, et un quartier étudiant sympa, près de la grande université de la ville.

Le Yunnan est une région chinoise où il fait bon vivre, et où ou pourrait presque oublier par moment qu'on est en Chine tant la population est variée.
une dame Baï déjeune près du marché

De retour en Chine tibétaine


Nous avons quitté l'Inde mi octobre pour revenir une troisième et dernière fois en Chine, cette fois pour en voir le sud. Nous avons repris notre périple chinois là où nous l'avions laissé : à Chengdu, dans le Sichuan. Nous avons immédiatement enchaîné deux journées de bus complêtes pour monter jusqu'à 4200m d'altitude au village tibétain de Litang. Nous étions encore dans le Sichuan, et non dans le Tibet administratif, et pourtant plus hauts que Llasa : nous avons mis quelques jours à nous aclimater à l'altitude, ainsi qu'au froid. La route por venir n'était pas très bonne : c'est surtout car les chinois n'y vont pas de main morte : ils refont tout d'un coup ! L'ancien goudron à été tout enlevé, et dans quelques semaines passeront sans doute les goudroneuses... 500km de routes de montagne d'un coup !
des pèlerins tibétains au temple de Litang
A Litang, la seule végétation est une sorte d'herbe rase et quelques fleurs qui recouvrent les collines voisinantes : on est au dessus de la ligne d'arbres. On voit des pics enneigés au loin (on est pourtant à la même lattitude que le Sahara...) La population est majoritairement d'ethnie tibétaine, et porte le costume traditionnel : pour les hommes, sorte de manteau épais aux tres longues manches pour les hommes, retenu à la taille par une ceinture à laquelle pend un grand couteau. Les femmes elles portent souvent une longue robe chasuble grise, recouverte d'un tablier, et ont les cheveux natés, et de nombreux colliers de perles multicolores autour du cou ou sur la tête. On les croise avec leurs roues de prière sur le chemin du monastère, ou vaquant à leurs occupations dans la rue ou au marché.
Un moine en robes safran et rouge par-ci par-là. Un "Tachi Délai" (bonjour) lancé fait immanquablement sourire à pleines dents les petites vieilles ravies. Il y a aussi des chinois Han (ethnie majoritaire en Chine) qui sont plus frêles, qui tiennent des commerces là et ont l'air moins accoutumés à l'altitudes (pour autant, les jeunes filles sont habillées comme à la ville, en microshorts et leggings, et chaussures à paillettes). Pas un occidental en vue. Ah si tiens ! 5 cyclistes francophones (2 français, 2 suisses, et un quebequois) qui traversent les montagnes à vélo... Nous sommes grave épatés, nous qui nous essoufflons à monter l'étage de l'auberge pour aller à notre chambre. Nous ne sommes pas trop dépaysés par rapport à l'Inde : il y a des yaks et leurs petits en plein milieu de la route. Une énorme truie se balade même à la recherche de restes du dîner de la veille qui auraient été jetés dans l'égout à ciel ouvert. Et des chiens... les tibétains adorent les chiens A l'origine surtout pour garder leurs troupeaux, mais même à la ville, on en voit partout, et de toutes les races : des gros chiens poilus façon Gros Cachou et des petites choses ridicules façon aspirateur à miettes. On trouve même, dans une décharge au pied du monastère, un endroit ou visiblement 4 ou 5 portées de chiots attendent leurs mères: adorables bouts de choux qui font craquer Clem : si seulement on pouvait en emporter un !
Nous prenons un minibus pour Shangri-la. Occasion d'entourloupe tibetaine (on apprend apres coup qu'ils sont specialistes du plan qui tombe à l'eau à la derniere minute mais proposent toujours une alternative plus cher...) Zhongdan, ville tibétaine dans le nord du Yunnan, juste de l'autre côté de la frontière avec la région du Sichuan, à été renommé Shangri-la à la fin des années 1990, d'après le nom d'une ville paradisiaque dans un roman anglais des années 1930, afin d'y développer le tourisme.


Nous arrivons pile à temps pour la finale de la Coupe du Monde de Rugby... ça tombe bien, la France joue ! Nous rencontrons plein de compatriotes à cette occasion : pour une ville certes touristique, mais quand même très paumée, nous sommes impressionés par le nombre de français installés là ! Un couple franco-chinois tient un excellent restaurant tibétain. Un autre travaille pour Enfants du Mekong. Une autre restaure une vieille ferme à deux heures de route pour en faire une auberge et un restaurant. Un autre encore monte des treks de luxe pour touristes français.
 Le lendemain nous partons faire un tour à vélo dans la région avec Bruno, nous passons dans un village tibétain tranquil, où la paille est mise à sécher sur des grands étendoirs dans les champs environnants, où des femmes lavent leur linge dans un ruisseau tandis que les vieilles promenent leurs petits enfants attachés dans leurs dos, et les vieux fument sur le pas de leur porte en nous regardant passer. Nous faisons une fine équipe : Stan à un vélo coincé en petite vitesse, Bruno perd sa pédale droite mal attachée de façon régulière, et Clem est épuisée dans la moinre montée (petite tension...). Nous visitons le monastère du coin, semblable à beaucoup d'autres, et passons derrière pour rendre visite à Patrick, un autre français rencontré la veille, qui dirige un hotel de luxe et de charme (c'est pourtant rare de trouver les deux réunis en Chine) tout en veillant à l'équilibre du village à côté, dont il emploie 20% de la population, et où il propose des cours de mandarin (la langue locale est un patois tibétain) et d'anglais, subventionne les études universaitaires de quelques uns, et encourage la création d'un magasin d'artisanat local à destination de ses clients. Nous sommes séduits par sa vision de l'hotellerie de luxe : elle est compatible avec le respect de l'environnement et de la population locale.

Monday, November 7, 2011

Religions et spiritualités en Inde


L'Inde est le pays le plus spirituel que nous ayons visité. En Inde des foules se mobilisent et se déplacent pour des événements religieux ou spirituels, dans une mesure qu'on ne peut probablement pas trouver ailleurs. C'est un pays où l'on peut croiser des gens qui prient partout, et où l'on peut aussi trouver des individus qui ont fait des études prestigieuses et obtenus des postes de rêve mais qui ont tout à coup décidé de tout quitter pour s'enduire le corps de cendres et errer sur les routes... Le bouddhisme et l'hindouïsme trouvent leurs origines en Inde, et la plupart des autres grandes religions y sont présentes, s'entrecroisant et s'influençant depuis des siècles.


1/ Les grandes religions et spiritualités présentes en Inde


L'hindouisme est la première religion d'Inde, vieille de plus de 4000 ans, et comptant pour fidèles plus de 80% de la population du pays. Si il y a en Inde une majorité d'hindous qui croient en un panthéon de dieux, on nous dit plusieurs fois "il y a autant d'hindouisme que d'hindous". Par exemple, les hindous du sud de l'Inde mangent des vaches, des rats et des serpents alors que ces animaux sont vénérés dans le Nord. Surtout chaque hindou préfère l'un ou l'autre des milliers de dieux qui existent dans l'hindouïsme. En fait les dieux de l'hindouïsme sont des avatars, incarnations ou états d'un dieu unique manifesté par une trinité : Brahma le "Generator" - Vishnu "l'Operator" - Shiva le "Destructor" (ce qui fait "GOD", et que l'on pourrait rapprocher du Père créateur, de l'Esprit agissant et du Fils rédempteur). L'hindouisme intègre tout, peut-être à la manière de la religion des romains qui intégrait facilement des nouveaux dieux. Apparemment, alors que le bouddhisme (qui était aussi en réaction à certains aspects de l'hindouisme) gagnait en importance en Inde jusqu'au 3ème siècle avant J-C, la situation s'est renversée lorsque l'hindouisme a intégré Bouddha parmi ses dieux, en tant qu'incarnation de Vishnu. Aujourd'hui, des hindous n'ont aussi aucun problème à vénérer des saints soufis musulmans, Jésus ou Marie. Ainsi chaque année en septembre, au moment où l'on fête la nativité de Marie, l'église de Mount Mary de Mumbaï s'organise : des bâches sont tendues à l'extérieur sur le côté de l'église et un espace pour les célébrations catholiques y est temporairement installé, pendant que l'église est prise d'assaut par des millions d'hindous qui défilent pour offrir des fleurs et vénérer une statue de Marie. Quand nous y sommes allés nous avons été étonnés du temps qu'il nous a fallu faire la queue pour entrer dans l'église, et de l'organisation autour de cet événement : il y avait des bus spéciaux pour atteindre le lieu, des stands d'offrandes et d'objets religieux à foison, une véritable kermesse à la sortie, et des affiches de tous les politiciens locaux qui transmettent leurs meilleurs voeux aux pèlerins...

Le boudhisme est né dans le nord-est de l'Inde au 5 ou 6ème siècle avant J-C - nous sommes passés notamment à Sarnath, non loin de Varanasi, où Siddharta Gautama, le premier bouddha, a fait son premier sermon- ; mais il est essentiellement aujourd'hui tibétain, chinois, japonais, laotien... plus qu'indien. Le dalaï-lama, le chef spirituel du bouddhisme "au chapeau jaune", l'une des formes de bouddhisme tibétain, est réfugié à Daramsalah dans le nord de l'Inde, et nous avons croisé des tibétains exilés dans tout le pays.

L'Islam est la deuxième religion la plus importante d'Inde : elle représente 13,5% de la population du pays. Chaque ville a son quartier musulman et sa mosquée. Nous avons aussi visité 3 tombeaux de saints soufis musulmans - à Delhi, Ajmer et Fatehpur Sikri - aux enseignements de tolérance résolument modernes.

Le judaïsme est encore un tout petit peu présent en Inde : nous avons visité des synagogues à mumbaï et à Cochin dans le Kerala, et aperçu une école talmudique à Kolkatta. Il reste aujourd'hui environ 5 000 juifs dans toute l'Inde. Leur présence a été tristement rappelée récemment au moment des attentats de mumbaï en 2008 lorsqu'un des commandos a pris pour cible Nariman House, une maison d'accueil d'une organisation juive orthodoxe.

Le jaïnisme est une religion très ancienne, probablement née entre le 9ème et le 6ème siècle avant J-C, et dont il reste quelques millions d'adeptes, notamment dans le Rajahstan. Les fidèles se caractérisent notamment par un ascétisme important, et par l'idée de non-violence qui se traduit par un respect très poussé envers toute forme de vie. Les fidèles sont végétariens et ne mangent pas de plantes à racine - c'est-à-dire qui seraient tuées pour être consommées -. Les moines poussent ce respect jusqu'à faire attention à ne pas inhaler d'insecte, ou à ne pas en écraser en se déplaçant : ils ne se déplacent qu'à pied en balayant au fur et à mesure devant leur chemin. Les jaïns ont l'obligation d'être honnêtes, ce qui a induit leurs voisins d'autres religions à leur confier traditionnellement les métiers d'argent. Les jaïns sont aujourd'hui souvent aisés et cultivés.

Le sikhisme est une religion née au 15ème siècle après J-C dans le Punjab, une région du nord de l'Inde. Cette religion reprend d'une certaine manière les enseignements des principales religions et spiritualités et en fait une synthèse. On reconnaît les sikhs au 5 "k" qu'ils respectent, qui incluent notamment le fait de ne se couper aucun poil, de porter un poignard, un bracelet en acier, un peigne, un caleçon particulier... Les hommes sont donc ceux qui ont souvent des barbes et cheveux long ramenés sous un turban. Les fidèles ont tous pour nom de famille "singh" (lion).

Il y a aussi en Inde des bahaïs, adeptes d'une autre religion qui tente de faire la synthèse des grandes religions qui l'ont précédé. Celle-ci date du 19ème siècle, a son centre mondial à Haïfa en Israël, et a érigé récemment un temple en forme de lotus à Delhi.

Il y a enfin des chrétiens en Inde, très minoritaires puisqu'ils ne sont que 2%. Mais leur présence est très disparate, en fonction des aires colonisées et des influences de pays chrétiens au cours de l'histoire (voir ci-dessous pour plus de précisions sur les catholiques).

Il faut aussi mentionner l'influence en Inde de "gourous". Sans être forcément des sectes, il existe de nombreux mouvements plus ou moins spirituels autour de leaders qui ont un succès phénoménal. Certains gourous ont des millions d'adeptes autour du monde. Par exemple la fameuse Amma, qui prend les gens dans ses bras. Basée dans le Kérala elle a aussi beaucoup voyagé (notamment en France il y a un ou deux ans) et attiré des foules. Elle est apparemment à la tête d'oeuvres et de moyens colossaux.

une des sources sur les religions en Inde en général : http://fr.wikipedia.org/wiki/Religions_en_Inde


2/ Tolérance, dialogue ou syncrétisme ?


Au vu de cette diversité de religions et spiritualités, on ne peut que s'étonner du peu de problèmes religieux en Inde. Comme bien souvent, les tensions ont plus pour origines des différences socio-économiques ou des problèmes politiques : on nous explique ainsi que les chrétiens persécutés dans certains états l'étaient aussi parce qu'ils s'en sortaient mieux et suscitaient la jalousie. Il y a cependant aussi des fanatiques de tous bords qui cherchent à s'attaquer aux autres religions : ils font parfois malheureusement beaucoup de dégâts, suscitant la peur et la méfiance, alors qu'ils ne représentent qu'une toute petite minorité. (Dans les états où le parti nationaliste hindou BJP est au pouvoir, les fondamentalistes se sentent parfois "soutenus"...)

Ce qui est intéressant, c'est donc qu'il y a en Inde un grand respect pour la chose spirituelle, et une grande tolérance. Quand nous demandons de l'aide pour trouver une église ou une messe les gens nous prennent très au sérieux et nous aident, qu'ils soient évangéliques, hindous ou musulmans. Quand nous avons visité la dargah d'Ajmer - tombeau d'un saint soufi musulman -, c'était le jour de l'anniversaire de ce fameux saint, et donc le jour de plus grande affluence. Nous aurions pu être mal reçus, pointant notre nez le jour le moins pratique et le plus embouteillé. Pourtant on nous a fait passer devant avec le sourire. La plupart des temples sont ainsi ouverts à la visite. Certains fidèles sont parfois contents des visites et n'hésitent pas à s'intéresser aux visiteurs.

En discutant avec certains, les plus ouverts, on sent souvent l'idée intéressante que finalement toutes les religions, bien vécues, ont le même but ; que chaque religion offre, à travers un prisme particulier et ancré dans une culture, un chemin vers le même Dieu, ou si on préfère, le même esprit, la même énergie. Mais ce qui est intéressant c'est qu'on se rapproche non pas en diluant chaque religion dans un magma informe mais au contraire en creusant mieux chaque religion et en gardant sa spécificité. Et en ayant l'intelligence de chercher à saisir l'esprit de la lettre et non seulement la lettre.

Nous avons par exemple eu la chance de discuter avec une famille de sikh éclairée, et nous sommes sentis très proches de leurs conceptions d'égalité entre les hommes, de pacifisme, de prière et de relation constante à Dieu, de vérité à chercher, de différents points de vue sur un même dieu amour, de retrouvailles en dieu après la mort...

Nous avons rencontré dans le Kerala un type qui se dit à la fois catholique et hindou. De famille catholique, son père l'a rejeté quand il a épousé une hindoue (aujourd'hui ce genre de mariage mixte arrive couramment et est plus accepté). Posé, intelligent, cultivé (il écoutait sur youtube du marin marais, un compositeur français de l'époque de Louis XIV), il a dans son bureau des images de shiva et de la vierge marie. Féru de numérologie et d'astrologie, il dit aussi croire à la réincarnation, parler aux esprit et utiliser un pendule. Surtout, il est intéressant car il n'est pas dogmatique. Il grapille ce qui lui parle tout autour de lui, en recherche et fidèle à sa conscience. Pour lui la numérologie ou l'astrologie sont des outils, des indications - pas toujours fiables et à prendre avec recul - parfois utiles. Son but est d'aider ceux qui le souhaitent éveiller quelque chose en eux, et à les laisser suivre leur propre chemin.

Au Loyola College de Chennaï - une des meilleures universités d'Inde, gérée par les Jésuites -, on nous explique qu'il y a des étudiants de toutes les religions et que le but des formations est aussi de faire "d'un hindou un meilleur hindou, d'un musulman un meilleur musulman et d'un chrétien un meilleur chrétien". Nous avons la chance d'y rencontrer un théologien passionné de dialogue interreligieux. Né dans une famille chrétienne il a grandi avec des hindous jusqu'à 10 ans, puis a été formé chez les jésuites, est devenu prêtre et théologien. Nous lui parlons de l'importance des religions et spiritualités en Inde, et lui posons la question de la différence entre religion et superstition. Il nous explique que ce qu'on appelle superstition dépend de nous, que ce qui n'est pas encore appelé superstition le sera peut-être plus tard, et que l'important est de respecter le signe d'une foi, d'un élan spirituel. Pour ce qui est des phénomènes "paranormaux" ou "ésotériques" comme ceux de notre ami du Kérala, il est aussi étonnement ouvert : plutôt que d'en douter il dit "c'est possible". Il explique attacher beaucoup d'importance à l'expérience, et garder en tête qu'on ne maîtrise pas tout et qu'on ne connaît pas toutes les influences. Il précise qu'il n'y a pas une meilleure religion ou spiritualité : chacun, fidèle à ses racines et à sa culture, peut trouver Dieu quel que soit son chemin. Et l'Eglise établit que l'Esprit peut souffler aussi à travers les autres religions, hors de l'église catholique ou hors de la chrétienté.

Cela sonne d'ailleurs un peu comme les affirmations de Gandhi, qui se disait hindou, chrétien et musulman et juif à la fois. Ou comme le dalaï-lama qui a déclaré : "Il ne sert à rien de changer de religion ; toutes les religions ont du bon", et qui a invité en 2006 les chrétiens à pratiquer « sincèrement » leur religion, plutôt que de se convertir à la sienne.

Toujours suivant ce théologien rencontré à Chennaï, l'Esprit de Dieu n'est donc pas obligé de dire la meme chose à tous : il parle à chacun à sa façon, d'une façon appropriée. En conséquence, dit-il : "Si dieu a parlé à un autre, cet autre n'est pas tout à fait étranger à moi" et : "Je dois etre fidèle à la manière dont Dieu m'a approché, mais je peux écouter Dieu à travers l'autre."

Ce qui est donc particulièrement intéressant, c'est l'idée que toutes les religions ont quelque chose à apporter à une recherche commune. Toute l'idée de l'inculturation chez les catholiques et du dialogue interreligieux en général est bien d'avancer grâce aux éclairages et apports des uns des autres. Et de proposer le résultat à la société. Et c'est notamment ce qui est fait chaque année depuis 25 ans par les rencontres dites "d'Assises".
http://www.la-croix.com/Religion/S-informer/Actualite/Benoit-XVI-renouvelle-l-esprit-d-Assise-_NG_-2011-10-27-728644
http://www.la-croix.com/Religion/S-informer/Actualite/Marche-interreligieuse-pour-la-paix-sous-les-tours-de-la-Defense-_NG_-2011-10-25-727635
http://rome-vatican.blogs.la-croix.com/jetais-a-assise/2011/10/27/


3/ Les catholiques


Nous avons trouvé des catholiques en Inde à peu près partout où nous sommes passés - bien que parfois très minoritaires et peu visibles comme dans le Rajahstan (apparemment ce sont des capucins français qui ont évangélisé Jodhpur en 1934), à Agra ou à Varanasi. En passant dans la ville de Mysore, nous avons été surpris d'y découvrir l'immense cathédrale sainte Philomène, qui nous rappelle presque une cathédrale française comme Strasbourg. Elle a en effet été construite par un évêque français, un certain René Feuga. A Chennaï nous avons rendu visite à la tombe de St Thomas (l'apôtre, celui qui n'a pas cru sans avoir vu), une cave moderne et sans charme mais qui a le mérite d'être calme. Nous avons aussi régulièrement croisé différentes oeuvres catholiques, dont celles des Missionnaires de la Charité - les soeur de Mère Teresa -, avec qui nous avons passé du temps à Kolkatta.

Nous sommes passés par deux états très catholiques, ceux de Goa et du Kérala :

GOA
Dans l'état de Goa, la situation est très différente du reste de l'Inde : si l'état est peuplé à majorité d'hindous, il y a cette fois-ci 28% de catholiques (et 5% de musulmans). La colonisation portugaise a converti (parfois de force) de nombreux indiens, qui portent aujourd'hui des noms portugais pris au moment de la conversion de leur famille. L'ancienne ville de Goa a été appelée un temps la "Rome de l'Est", à cause de son importance - elle a été une des plus grandes villes du monde-  et de la quantité et de la taille de ses églises. Il ne reste aujourd'hui à cet ancien emplacement que les immense bâtiments religieux magnifiques - cathédrales, églises et couvents -, témoignant de la grandeur de cette ville aujourd'hui recouverte par la végétation.

Nous rencontrons les jésuites de Panjim - la capitale de cet état -, ouverts, modernes et très sympas. Ce sont des indiens aux noms portugais, d'âges et d'expériences variées, tous très éduqués, parlant plusieurs langues. Parmi les langues non-indiennes parlées par les jésuites autour de la table à laquelle nous sommes assis, il y a l'anglais, le français, l'allemand, l'italien, l'espagnol et le swahili... Nous parlons de relations avec les autres religions, et notamment avec l'hindouïsme : ils nous racontent qu'il y a une "église - temple", qui reprend des éléments hindous dans la présentation et le fonctionnement - pieds nus, fleurs... - pour assurer une sorte de pont entre chrétiens et hindous. Ils nous précisent surtout que si au départ les missionnaires avaient été très stricts dans la différenciation entre catholiques et hindous croyants à Jésus, ce sont aujourd'hui plutôt les fidèles catholiques - et non le clergé - qui ont un peu peur de dresser des ponts...

KERALA
En arrivant à Cochin dans le Kerala - autre région très chrétienne -, l'ambiance est différente : nous passons de nombreuses églises, universités tenues par des religieux, un bâtiment de la société St Vincent de Paul. Mais nous passons aussi une "Jesus driving school", et des magasins "St Mary leather products" et "St Anthony electricals" !

Le Kerala est très chrétien puisqu'il y a 19% de chrétiens (aux côté de 24% de musulmans et d'une majorité d'hindous). Mais les chrétiens du Kerala sont particulièrement intéressants car ils sont très variés. Le Kerala est la région où  St Thomas apôtre est arrivé en 52 après J-C. Il a converti des gens à ce moment-là avant de voyager vers le Tamil Nadu (autre état indien) et d'y être assassiné. D'autres chrétiens de rite byzantins sont venus au 4ème siècle aussi de Terre Sainte en suivant un autre Thomas. Résultat, il y a aujourd'hui parmi ces chrétiens une majorité de catholiques romains (arrivés avec les portugais au 16e siècle), des catholiques syro-malabar (des catholiques datant du passage de st thomas, avec leur rite oriental propre mais adapté, romanisé depuis l'arrivée des portugais), des chrétiens syro-orthodoxes (a priori des chrétiens datant du passage de st thomas ou de la vague arrivée au 4ème siècle, mais orthodoxes et dont le rite n'a évidemment pas été romanisé par les portugais) et des catholiques syro-malankar (des chrétiens de rite byzantin, très proches du rite orthodoxe, qui n'ont rejoint l'église catholique qu'en 1930). Il y a même d'autres variantes, dûes aux différentes influences, aux schismes et recompositions... C'est du coup assez compliqué mais intéressant, et surtout très riche de rites variés.

Finalement nous avons visité des églises syro-orthodoxes et syro-malabares. Nous avons logé dans une maison d'hôte tenue par une famille syro-orthodoxe très pieuse et très profonde, mais très humble et très ouverte. Nous avons assisté à une messe syro-malabare en mayalayam (et en arabe ?) moins évidente à suivre quand on ne comprend pas la langue, et rencontré un prêtre et un séminariste syro-malabar. Tous nous ont semblés relativement proches.

En allant à la messe en Inde, nous avons senti différents styles et attitudes : à certains endroits on se déchausse dans les églises, comme pour les temples hindous. A d'autres, les chants sont très "pop" et le niveau sonore très excessif. A d'autres, le rite traditionnel un peu obscur pour nous semble très important. Si certains semblent un peu identitaires, nous rencontrons aussi des gens à l'ouverture et à la vision qui nous impressionne. Le pays est immense et toutes les régions ne sont pas aussi "avancées". Dans tous les cas il existe des congrégations indiennes, des régions dans lesquelles le catholicisme est très implanté, et partout un dynamisme et une écoute spirituelle très vifs : on sent que l'Inde va peser dans l'Eglise de demain (à l'image de ce qui se passe chez les jésuites : il y a aujourd'hui 4 000 jésuites indiens, sur 20 000 dans le monde).


4/ Quelques citations pour illustrer les fruits du dialogue interreligieux


Jules Monchanin (prêtre catholique), Henri Lesaux (bénédictin breton), Bede Griffith (bénédictin anglais), Raymond Panikkar (prêtre catholique indo-catalan), sont tous des religieux catholiques ayant tenté de mieux comprendre et même de vivre l'hindouisme à partir du milieu du XXème siècle. Voici quelques unes de leurs citations les plus intéressantes :
«Je suis parti chrétien, me suis découvert hindou et retourne bouddhiste sans avoir cessé d’être chrétien.», Raymond Panikkar
«Plus nous osons cheminer sur des sentiers nouveaux, plus nous devons rester enracinés dans notre tradition et ouverts aux autres, à ceux qui nous font savoir que nous ne sommes pas seuls et nous permettent d’acquérir une vision plus ample de la réalité», Raymond Panikkar
"Toute l'histoire de la Chrétienté est une histoire d'enrichissement et de renouveau apporté par des éléments qui venaient en dehors d'elle; si l'Eglise veut vivre, elle ne devrait pas être effrayée d'assimiler des élements qui viennent d'autres traditions religieuses, dont elle ne peut plus ignorer l'existence", Raymond Panikkar
« Il s'agit, non de s'adapter par tactique aux coutumes de l'Inde, mais de s'assimiler par amour ce que l'Inde a d'essentiel dans les modes de son expérience spirituelle, de sa pensée, de sa vie consacrée. La tâche immense qui nous sollicite est de repenser toute l'Inde en chrétien et le christianisme en indien. La greffe de la révélation que les Pères grecs ont faite jadis sur la pensée hellénique, doit être tentée aujourd'hui sur la pensée indienne.", Jules Monchanin
"Ce que l'Inde apporte finalement à la Chrétienté, c'est essentiellement une profonde purification de la notion de Dieu, de nos manières de pensée et des formes auxquelles nous identifions la Chrétienté.", Henri Lesaux
"Pour trouver Dieu en réalité, il faut descendre jusqu'à cette profondeur de soi où l'homme n'est plus qu'image de Dieu ; là même où au jaillissement de soi, il ne se trouve plus que Dieu.", Henri Lesaux
"L'esprit qui nous révèle Dieu est ce murmure indicible en quoi s'achève la parole.", Henri Lesaux
"Le péché n'est pas ce qu'en font les moralistes. L'état de péché c'est d'être distant de Dieu.", Henri Lesaux
« J’ai découvert le Graal. Et cela je le dis, l’écris, à quiconque peut saisir l’image. La quête du Graal n’est au fond que la quête du Soi. Quête unique signifiée sous tous les mythes et symboles(...) Et pour cette quête, on court partout, alors que le Graal est ici, tout près, il n’y a qu’à ouvrir les yeux. », Henri Lesaux
"Le plus gros obstacle dans la vie est la place de notre volonté égoïste; soumettre notre ego est la chose la plus difficile que nous puissions faire, c'est la chose la plus essentielle aussi.", Bede Griffith

Dernières citations de Kabir, un mystique du 15ème siècle, inclassable entre Islam et Hindouïsme, qui célèbre l'Amour dans de nombreux poëmes, et a notamment beaucoup inspiré les gurus fondateurs du sikhisme ainsi que Gandhi :


-  "Aussi longtemps que l'homme réclamera le Moi et le Mien, ses oeuvres seront comme zéro"
-  "Bénarès est à l'est, La Mecque à l'ouest; mais explore ton propre coeur, car il y a là et Rama et Allah."
-  "Je ris quand j'entends dire que le poisson dans l'eau a soif.
    Tu ne vois pas que le réel est dans ta maison
    Et tu erres insousciant de forêt en forêt.
    Chez toi est la vérité !
    Vas où tu veux, à Bénarès ou a Mathura :
    Si tu ne trouves pas ton âme, le monde pour toi est sans réalité"
-  "Ô Seigneur incréé, qui Te servira ?
    Chaque fidèle adore le Dieu qu’il se crée ; chaque jour il en reçoit des faveurs.
    Aucuns ne le cherchent Lui, le Parfait, Brahma, l’indivisible Seigneur.
    Ils croient en dix Avatars; mais un Avatar, 
    endurant les conséquences de ses actes, ne peut être l’Esprit infini.
    L’Un Suprême doit être autre.
    Les Yogi, les Sangasi, les Ascètes se disputent entre eux.
    Kabir dit : « Ô frère, celui qui a vu le rayonnement de son amour, celui-là est sauvé ! »"

Des liens vers leurs biographies :
http://www.raimon-panikkar.org/francese/biografia.html
http://www.bedegriffiths.com/bede-griffiths/
http://www.monasticdialog.com/a.php?id=751
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Monchanin
http://www.fraternet.com/magazine/etre3009.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kab%C3%AEr

Quelques réflexions en quittant l'Inde


L'Inde est un véritable continent : différent, complexe, passionnant, exigeant, fatigant et spirituel. En 2 mois nous y avons été submergés, étonnés, énervés et touchés.
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Submergés :
L'intensité du spectacle dans ce pays est incroyable. Tous les sens y sont sollicités, dans une mesure bien plus importante que dans d'autres pays. En ville, il est courant de devoir se frayer un chemin dans la masse de passants, faire attention où l'on marche, contourner un tas d'ordures ou un trottoir défoncé tout en faisant attention aux voitures bruyantes et klaxonnantes mais aussi aux rickshaws plus silencieux mais pas moins dangereux quand ils sont lancés. Les couleurs des saris des femmes ou des étals sont très vives et magnifiques, les visages et les allures sont souvent remarquables, mais on croise aussi des éclopés et des malades aux aspects les plus repoussants, ou des gens qui font leurs besoins dans la rue. Des odeurs d'encens, d'épices ou d'urine surgissent et nous prennent au nez. Le bruit est en général d'un niveau très élevé, avec des pointes insupportables pour nous - notamment de klaxons sur-performants utilisés à tout bout de champ. On se frotte aux gens dans les zones denses aux heures de passage, ou dans les rassemblement politiques ou religieux. On se déchausse souvent pour pénétrer pieds nus dans un temple ou une maison. Enfin, la cuisine est excellente, mais gare aux épices ! Pour des occidentaux, cette intensité est épuisante. D'autant plus qu'on est souvent aussi alpagué ou sollicité car on éveille la curiosité et les intérêts financiers.


Étonnés :
Le pays est immense, extrêmement peuplé, avec des cultures, religions, et conditions de vie très variées; fascinant, plein de contrastes, et difficile à cerner. Quand on tire une conclusion sur ce pays, son contraire est très souvent vrai aussi. On est pas sûr de tout saisir, de tout comprendre et de tout assimiler.
En voyageant en Inde, on a plus qu'ailleurs l'impression de voyager dans le temps : bien sûr en visitant des sites culturels extrêmement anciens dans lesquels on a aucune peine à s'imaginer le passé. Mais aussi et surtout dans la vie de tous les jours où nombre de choses nous paraissent fonctionner comme au moyen-âge. En voyant l'état des routes, la propreté des gares et des trains, la qualité des véhicules utilisés, des comportements à nos yeux aberrants, l'Inde semble parfois encore archaïque. Par beaucoup d'aspects plus proche de l'Afrique que de la Chine dont elle aimerait pourtant se rapprocher.
A notre arrivée à Delhi depuis la Chine nous nous sommes étonnés de ne voir que très peu de signe de modernité : il n'y a presque aucun immeuble à Delhi, tout juste quelques centres commerciaux et gratte-ciels à Gurgaon, le nouveau centre économique voisin (équivalent de la Défense). Mais cela reste très modeste à côté du centre économique de la moindre ville chinoise... Nous nous étonnons de la fermeture économique du pays, bien plus importante que ce que nous imaginions : à part KFC, coca et pepsi, nous avons l'impression de ne pas trouver facilement de produits étrangers. On nous explique que les taxes d'importation sont très élevées, qu'il est par exemple interdit pour les grands groupes de distribution étrangers (wal-mart, carrefour) de faire du B2C, que les constructeurs de voitures ont été obligés de s'allier à des constructeurs indiens pour essayer de pénétrer un peu le marché. Une fermeture économique qui ne profite pas forcément aux indiens en général...
Pendant notre voyage nous avons aussi été souvent étonnés par le fait que de nombreux indiens nous ont semblé agir en suivant une sorte d'impulsion intérieure, sans prendre en compte la réalité extérieure. Nous nous sommes plusieurs fois fait aborder par un chauffeur de taxi, le regard plein d'espoir : "airport ?". Nous n'avons pas nos bagages et n'avons pas l'air de chercher de taxi : Il a juste vu des blancs et pour lui les blancs rimant avec argent, il leur propose la course la plus chère. Un autre type vend des coussins gonflables dans la rue : il ferait un carton près d'une gare mais il n'y a pas pensé, il s'est mis entre les jouets pour enfants et les brosses à dent dans un passage miteux où il passe autant de gens que partout ailleurs. Dans un train, un type passe pour vendre des cotons-tiges...
En lisant le journal un matin, nous tombons sur une brève qui explique que désormais dans le Punjab, une indemnisation de 1 lakh de roupies (~1500 €) sera donnée aux famille dont un des membres décéderait d'une morsure de serpent. Pas besoin de beaucoup d'imagination pour entrevoir les abus que cela risque de générer. Dans la même veine nous lisons autre part que pour lutter contre le phénomène des femmes battues un gouvernement local a décidé de rétribuer d'une certaine somme toute femme battue qui "répondrait" à son mari et le battrait en retour...

Peut-être que le manque d'éducation de qualité pour tous explique un certain manque de pragmatisme. Mais on nous explique aussi que dans le monde du travail il est assez courant que des gens se prennent pour ce qu'ils ne sont pas.

Énervés :
Dans certains endroits, pas forcément touristiques pourtant, nous nous heurtons à une mentalité de petite arnaque qui nous fatigue. Les petites tromperies pour touristes peuvent paraître courantes, mais elles nous semblent particulièrement répandues en Inde (bien plus qu'en Chine ou qu'en Afrique), et symptomatiques d'un état d'esprit plus problématique.
Ainsi il nous faut parfois demander à 15 taxis avant de tomber enfin sur un conducteur qui accepte d'utiliser son compteur au lieu de nous demander un tarif exorbitant au prétexte que nous sommes blancs. En achetant des bouteilles d'eau à la gare, on nous demande un prix plus élevé que le prix officiel pourtant affiché en évidence. Quand on le lui fait remarquer, le vendeur a le petit sourire d'un adolescent qui sait très bien qu'il est dehors de la règle mais qui n'a pas peur. Il essaie juste de grappiller.
Nous allons rendre visite à une ONG. L'auto-rickshaw a du mal à trouver l'adresse. Il nous explique alors tout à coup que cette ONG n'existe peut-être pas : selon lui 90% des ONG en Inde sont factices, et consistent juste en une façade miséreuse à montrer à des étrangers pour les transformer en généreux donateurs...
A Agra nous voulons prendre un auto-rickshaw (tricycle couvert à moteur) et nous négocions le prix qu'on nous propose à cause de nos têtes de touristes. Le conducteur nous dit "ok, je baisse le prix mais alors vous vous laissez amener dans un magasin pour touristes, vous restez 10 minutes sans rien acheter si vous ne voulez pas, et comme ça je touche 50 roupies de commission de la part du magasin pour vous avoir amené, et ça compense". Ce système de commissions est très développé, et les guides ou chauffeurs emmènent souvent leurs clients là où la commission est la meilleure - évidemment répercutée sur les tarifs - et non là où ils auront le meilleur service et le meilleur prix.
A Mysore nous visitons le palais et ses jardins en entrant par le côté sud, l'entrée officielle. Mais terminant notre promenade au niveau de l'entrée nord nous demandons à tout hasard aux gardes - qui se prélassent à l'ombre sur des chaises - si ils peuvent nous ouvrir car cela nous économiserait du chemin. "Impossible", répondent-ils. Pas de problème nous ferons le tour. Mais l'un d'eux nous hèle et nous explique que si nous laissons un petit pourboire nous pourrons passer... Outrés, nous refusons.

En tant que touriste de passage on peut trouver que l'Inde n'est pas chère pour nous et que finalement tout s'achète. On peut fermer les yeux sur les commissions en se disant qu'on est tout de même content et en achetant sa tranquillité. Mais quand on achète quelque chose on a une responsabilité : notre façon de dépenser notre argent à une réelle influence. On cautionne ce pourquoi on paie, en quelque sorte on vote pour ça. En jouant le jeu d'un système de petites rapines, de commissions, de détournement ou de petite corruption, on encourage des comportements dramatiques pour l'Inde. Car les gens bernés ne sont pas uniquement les touristes blancs mais tous les visiteurs (et les touristes, visiteurs ou migrants indiens représentent bien plus de monde). Et si tous ces montants ne sont pas importants pour nous, ces attitudes faussent l'économie, en augmentant les prix au détriment des plus pauvres. De la même manière on nous explique qu'en Inde beaucoup de choses fonctionnent avec des passe-droits. Et comme cela devient une habitude, les classes moyennes se font systématiquement rackettées, et les plus pauvres ne peuvent tout simplement pas accéder aux services les plus élémentaires qui sont censés être publics et même parfois gratuits, car ils n'ont pas les moyens de payer le "pourboire" ou la commission qui "facilite" la démarche.
Cette mentalité, qui consiste à piquer ce que l'on peut en fonction du pouvoir ou de l'information que l'on a et que le client n'a pas, est sans doute un des problèmes les plus dévastateurs qui ralentit le développement indien.

Touchés :
Si nous avons rencontré de nombreux filous en Inde, nous avons aussi rencontré des gens souriants, curieux, fins et accueillants partout, quelles que soient leurs origines ou leurs statuts. Beaucoup d'indiens croisés ont juste voulu nous prendre en photo (ou se faire prendre en photo par nous ou avec nous), mais beaucoup se sont aussi enquis de notre état en nous apercevant dans la foule, avec une délicatesse rare.
La famille et la communauté sont très importantes en Inde : si le mariage arrangé a encore beaucoup cours en Inde, c'est surtout parce que les jeunes, même très éduqués et ayant travaillé à l'étranger, font confiance à leurs parents. Ils pensent que ceux-ci les connaissent mieux qu'eux-mêmes et qu'en voulant leur bien ils sauront trouver le meilleur partenaire (aujourd'hui en général les jeunes doivent valider le choix parental et ne sont pas forcés !). Et l'Inde nous rappelle encore l'Afrique lorsque nous découvrons à quel point certains indiens sont choqués par le concept de maison de retraite : pour eux, les grands-parents doivent vieillir et mourir dans la maison familiale ou chez un de leurs enfants.
Enfin les indiens sont très spirituels. Les croyances des uns et des autres sont très respectées. Il y a une grande ouverture, et l'idée que chacun peut suivre son chemin. Ce côté spirituel est un point qui nous semble primordial et que nous développerons séparément.
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Nous installerions-nous en Inde ? Pas évident. Pour s'installer en Inde il faut un "kit de survie" : un minimum de confort et de propreté dans un endroit calme, de la patience, de la rondeur, et surtout de l'humour !

Florilege de petites citations d'Inde


"This is india !", une exclamation en forme d'explications parfois teintée d'humour, d'excuse ou de fatalisme, donnée en général par un indien qui voit notre questionnement face à un phénomène pour nous exagéré, absurde ou incompréhensible. Cela signifie aussi "ne t'énerves pas, tu ne pourras rien changer".

"En Inde, quand on tire une conclusion, son contraire est très souvent vrai aussi", beaucoup de gens rencontrés.

"Time is money, life is value", lue dans la rue.

"Yes madam !", l'interjection introductive favorite des vendeurs qui croisent notre regard et pensent qu'en nous collant il vont nous faire acheter quelque chose.

"Je klaxonne donc je suis", la devise des conducteurs de tout véhicule à Kolkatta.

"Bouge pas, ici ça ne marche pas comme ça", mon voisin de bus alors que je m'apprête à laisser ma place à une femme à Mysore

"Oui mais ici c'est pas grave", nos voisins de train quand nous refusons de jeter nos déchets en plastique par la fenêtre en pleine nature.

"Si on a une fille dans la famille, c'est 3 générations qui deviennent esclaves." dicton au sujet de la pratique de la dot.

"En Inde, on est toujours la fille ou la femme de quelqu'un." Neeru, une féministe qui s'indigne qu'on lui ait demandé une lettre de son mari pour avoir le droit d'emmener son fils en vacances à l'étranger.

"Tout ce qui n'est pas donné est perdu" - proverbe indien et titre d'un livre du père Ceyrac.

"On ne connait pas un pays, un peuple ou une personne tant qu’on ne connait pas ses problèmes." - père Ceyrac.

"On ne trouve pas le bohneur en lui courant après. On trouve le bonheur en vivant une vie qui a du sens."- Harold S. Kushner.

"Mieux vaut allumer une bougie que de maudire l'obscurité" - proverbe chinois.

"Le plus gros obstacle dans la vie est la place de notre volonté égoïste; soumettre notre ego est la chose la plus difficile que nous puissions faire, c'est la chose la plus essentielle aussi." Bede Griffith, un moine catholique anglais qui a créé un ashram (~une communauté) dans le sud de l'Inde et a notamment creusé des points communs entre l'hindouisme et le christianisme.

Citations de mère Teresa :

"Nous sommes conscients que notre travail n'est qu'une goutte dans l'océan, mais je pense que l'océan serait ammoindri sans cette goutte."

"Ce qui compte ce n'est pas la quantité de choses qu'on fait, mais la quantité d'amour avec lequel on les fait."
"Si on passe notre temps à juger les gens, on ne trouve plus le temps de les aimer."

"La faim d'amour est bien plus dificile à rassasier que la faim de pain."

"Si on ne peut pas nourrir cent personnes, nourrissons en déjà une."

"Life is an opportunity, benefit from it. Life is beauty, admire it. Life is bliss, taste it. Life is a dream, realize it. Life is a challenge, meet it. Life is a duty, complete it. Life is a game, play it. Life is a promise, fulfill it. Life is sorrow, overcome it. Life is a song, sing it. Life is a struggle, accept it. Life is a tragedy, confront it. Life is an adventure, dare it. Life is luck, make it. Life is too precious, do not destroy it. Life is life, fight for it."
Mother Teresa