Mardi midi nous nous présentons au port de la
compagnie Marcos Pinto, qui nous a vendu un billet pour une camarote (cabine)
sur le navire “Santarem” pour remonter les 800km du fleuve Amazone entre la ville
de Belem et celle de Santarem. Le vendeur nous a promis que nous y serions
jeudi, mais tout le monde nous dit qu'on y sera à priori plutôt vendredi matin. Soit 63h de trajet. Nous sommes donc
munis de provisions : bouteilles d'eau minérale, fruits, pain,
fromage, charcuterie, et un paquet de gâteaux.
Le bateau se remplit peu à peu. Il y a 3 étages : le pont inférieur sert à entreposer la marchandise
et comprend la cuisine du bateau, le pont intermédiaire comprend un
douzaine de petites cabines pour 1 ou 2 personnes, chacune ayant une petite
salle de bain avec toilettes et douche (à l'eau du fleuve) et de la
clime, ainsi qu'une grande salle où la vaste majorité des passagers, environ
150 à vue d’œil, s'installent en
accrochant leurs hamacs et entreposant leurs bagages en vrac en dessous.
Jeunes, vieux, enfants cohabitent avec moins de 30 centimètres les séparant du hamac d'à côté. Il y a 5 salles de bain pour femmes et 5 pour hommes
pour tout ce beau monde. Et un petit réfectoire tout au bout. Sur le pont supérieur, il y a encore 6
cabines, plus grandes celles là car il s'agit de “suites”, le bureau du capitaine,
et le bar (où l'on peut acheter soit de la bière, soit des chips au
fromage oranges fluo, soit des nouilles lyophilisées).
Mardi 19h : nous partons,
avec juste une heure de retard. Nous faisons connaissance avec quelques autres
passagers du bateau, dont Alain, un français qui vient de passer 2
ans et demi à travailler dans une fazenda dans le Panatal, région du sud du pays.
A un moment dans la nuit,
un des deux moteurs du bateau tombe en panne. Nous apprenons cela au réveil et constatons en
effet que nous n'allons pas bien vite. Nous arriverons donc un peu plus tard
que prévu.
Mercredi : nous avons bien
dormi, car nous sommes équipés de sacs de couchage. Certains des autres passagers dans
les cabines ont eu très froid car la clime est centrale et il est impossible de
la baisser ou de l'éteindre. Dans la journée nous rencontrons aussi
un couple d'Icelandais, deux italiens, et un groupe de filles de nationalités différents (une allemande, une
espagnole, une argentine...) qui voyagent un peu en mode hippie, ainsi que
toute une flopée d'enfants brésiliens un peu surexcités à l'idée d'être sur un bateau, et qui
courent un peu partout. Clem essaie d'apprendre à l'une d'entre elles à faire un bracelet, mais
la demoiselle n'est pas très patiente et s'en va laissant tout en plan.
Durant la journée nous passons de
nombreuses habitations sur pilotis sur le bord du fleuve : maisons, églises, parfois des scieries, ainsi que de nombreux canoës dans lesquels se déplacent les locaux, car il
n'y a pas de route dans le coin. Nous sommes pris d'assaut à plusieurs reprises par
des petits canoës pleins d'enfants qui se
positionnent juste devant notre bateau, et à l'aide d'un grand
crochet, s'accrochent sur le bord du bateau au moment où ils sont emportés dans notre sillon. Ils
passent ainsi à l'abordage, attachant leur embarcation à la notre, et montent à bord pour vendre sachets
de crevettes, pots de cœurs de palmier, où autres denrées locales. Ils se décrocheront lorsqu'un
bateau passera dans l'autre sens pour les remporter chez eux.
Le soir, nous apprenons
que d'autres passagers occidentaux ont déjeuner au réfectoire à midi sans être malade dans la journée, et nous tentons donc
notre chance pour le dîner, un peu làs de ne manger que des
sandwichs.
Jeudi 14h : le deuxième moteur tombe en panne. Là c'est un peu la panique
car un bateau sans moteur sur le plus grand fleuve de la planète, on ne contrôle pas trop où il va, c'est dangereux. Du coup plusieurs hommes
plongent avec des cordes pour tenter de l'attacher à l'un des palmiers sur les
rives. Les cordes n'étant pas attachées aubateau, on leur jete d'autres cordes à attacher aux premières. Au passage ils
cassent un palmier et arrachent la corde à linge d'une famille, mais
finissent par nous immobiliser, tandis qu'une famille de locaux nous observe
depuis leur porche, impassibles.
15h, n'y tenant plus, Stan
veut profiter de cette pose pour explorer la foret qui borde le fleuve. Un
jeune homme vient le chercher en canoë, mais il reviendra à la nage. L'appareil photo
en profitera pour prendre un bain de rivière aussi.
16h l’électricité s’arrête. Tout va bien, pas de
panique. On se dit qu'on risque d'avoir à attendre plusieurs jours,
qu'on nous envoie un mécanicien et des pièces détachés de Belem par le prochain
bateau...
17h : miracle, un des moteurs remarche ! Nous voilà repartis. Et l'électricité revient !
Pour se faire pardonner ce
problème mécanique, la compagnie décrète que la soupe sera
gratuite ce soir. En attendant nous avons loupé l'office du Jeudi Saint.
22h : alors que nous venons de nous coucher, une vieille
dame mal réveillée croit voir de l'eau sur
le pont inférieur et
déclenche
une panique en criant que le bateau est en train de couler. En l'espace de
quelques minutes, tout le monde à mis son gilet de sauvetage, les enfants pleurent, et
certains tentent de décrocher les canots de sauvetage tandis que d'autres ont
leurs bagages à la main, prêts à sauter. Le capitaine est obligé d'intervenir pour les
calmer et les rassurer.
Vendredi : On s'est visiblement arrêté encore quelques heures
dans la nuit car nous arrivons dans un petit port d'étape avec encore plus de
retard que prévu. Dans la matinée, après avoir fait des bracelets
pour plusieurs des enfants, il y en a un, le petit Davidson (c'est son prénom) qui continue à être particulièrement hyperactif voire même franchement pénible. On découvre que ses parents lui
donnent du café (sauve qui peut!). Clem fait une allergie au soleil à cause des médicaments anti-palu que
nous prenons. Le fleuve doit être plus haut que la normale cette année car les maisons que nous
passons sont inondées : le
niveau de l'eau est au dessus du seuil, et le gros bétail à de l'eau jusqu'au cou.
Certains passagers jettent des sacs plastiques avec des vivres dedans en
passant devant certains habitations, que des enfants en canoë s'empressent de venir chercher.
Ce n'est pas encore
aujourd'hui que nous arriverons : pas
de chemin de croix, ni d'office du Vendredi Saint.
Samedi : Nous voyons des dauphins de rivière à plusieurs reprise : ils sont gris-rose. Stan est frustré de ne pas arriver à les prendre en photo, car
ils sont trop furtifs.
16h : alors que le capitaine nous avait assurer que nous
arriverions pour 18h (si Dieu le veut) un navire militaire apparaît et nous détache une petite embarcation qui nous fait signe de
ralentir (déjà que nous n'allions pas
bien vite). Pendant environ une heure une demi douzaine de militaires vont
faire on ne sait trop quoi à bord. Il y en a 2 dans la cabine du capitaine et 4
autres qui se promenent. A un moment on les voit en train de regarder les extincteurs
(le moment est mal choisi pour voir si le bateau est aux normes!) Pendant ce
temps là,
quelques autres militaires font des ronds autour de notre navire, pendant une
heure, en nous prenant en photo (???)
18h : Santarem est enfin en vue ! Nous espérons y être un quart d'heure plus tard, afin d'avoir le temps de
poser nos sacs dans un hôtel et trouver une veillée Pascale !
20h : Le soleil est couché, et Santarem est toujours
en vue, mais se rapproche vraiment très lentement.
21h : enfin arrivés, nous filons du quai en courant, pour arriver dégoulinants devant deux églises différentes et constater que
les veillées
Pascales de la ville ont toutes commencées 2h plus tôt et sont quasiment finies. Nous sommes quittes pour la
messe du Dimanche Pascal, ce qui est tout de même mieux que de passer le
jour de Pâques sur le bateau sans
messe. On aura fait le trajet en 98h au lieu de 63h.
Épilogue : le bateau est reparti à minuit, sans nous, pour Manaus, en théorie à un jour et demi en amont, en
pratique, sans doute plutôt deux jours et demi, et probablement au moins
quatre jours