Il y a au Brésil
surtout des chrétiens. Beaucoup d'églises ou sectes évangéliques
(des business pour la plupart), et des catholiques. L'Eglise
catholique y est jeune, dynamique, engagée, même si ses fidèles
mélangent parfois un peu foi et superstition ou cultes africains
dans certaines régions. Nous avons aussi eu la chance de rencontrer
des communautés religieuses à l'oeuvre sur le terrain, dans des
endroits et sur des problématiques oubliés, faisant un travail
magnifique.
Evangéliques
Nous avons été
impressionnés par la place des églises évangéliques au Brésil.
Les dénominations paraissent rocambolesques et peuvent faire sourire
- “église mondiale du pouvoir de Dieu”, “église universelle
du règne de Dieu”, “église quadrangulaire”, “assemblée de
Dieu”, “église internationale de la grâce de Dieu” ou encore
“église apostolique cellulaire” -, mais l'importance de ces
églises étonne. A Bélem nous passons dans la rue de l'église
catholique Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, et comptons ensuite 7
églises -ou garages- de différentes dénominations évangéliques.
En plein centre de Salvador, devant la gare de bus et devant le grand
centre commercial Iguatemi - principal de la ville -, trône un
énorme édifice de l'église universelle du règne de Dieu, tout
neuf, tout éclairé la nuit.
Ce qu'on appelle
les évangéliques regroupe beaucoup de choses différentes : au
départ un mouvement de protestants se voulant plus charismatiques,
il s'agit aujourd'hui de groupes religieux se référant au Christ
mais qui peuvent aller d'un petit groupe informel à une grande
organisation. Il y a de tout : des groupes de bonne foi, d'autres
sans doute moins, jusqu'à de véritables sectes. Tout dépend du
pasteur (ou fondateur) et de son interprétation. Les gens viennent y
chercher un contact humain, un sentiment d'appartenance, des réponses
spirituelles, superstitieuses ou même matérielles...
Au Brésil, en
revanche, nous comprenons, lisons et entendons que les “églises”
évangéliques se rangent surtout dans la catégorie business :
commencées souvent dans un simple garage par un “pasteur”, qui
attire les gens en parlant de réussite, les gens semblent y venir en
priorité par calcul financier plus que par recherche spirituelle (ce
qui ne veut pas dire qu'ils sont tous de mauvaise foi ou qu'ils ne
recherchent pas aussi un contact humain, un sentiment d'appartenance
à une comunauté ou du spirituel). C'est cet angle que les pasteurs,
souvent en costumes cravates, privilégient : dans le magazine édité
par “l'église de la grâce de Dieu”, un vieil homme témoigne
qu'il avait beaucoup de problèmes financiers, jusqu'à ce qu'il
décide de faire une donation pour le “show de la foi” - la
chaîne de télévision appartenant à cette église -, moment à
partir duquel ses problèmes financiers ont été “miraculeusement”
résolus.
A Recife nous
nous promenons un samedi soir avec notre ami Aurélien et en voyant
la quantité de gens dans les rues piétonnes du centre il nous
assure qu'il y a certainement une star de rock internationale en
concert. En fait il s'agit d'un meeting évangélique qui rassemble
des milliers de personnes de toutes les générations, de toutes la
région. Le pasteur parle, longtemps, avec un air savant, mais aussi
avec beaucoup d'agressivité et de populisme. L'affiche promet une
“vie victorieuse pour toi”.
Nous lisons que
ces églises demandent en général à leur fidèles de donner 10% de
leur revenus. Les pasteurs ont un marketing très agressif destinés
aux plus crédules, en leur faisant miroiter un gain futur. Ce n'est
pas grave qu'ils soient pauvres, tant qu'ils sont nombreux et donnent
ce qu'ils peuvent. En effet si une église – montée dans un simple
garage au départ - “prend” (souvent par rumeur, bouche à
oreille et marketing intensif) et que les fidèles affluent, le
fondateur fait grossir son organisation, investit pour monter des
succursales un peu partout et peut devenir très riche. C'est
apparemment le cas du fondateur de l'église universelle du règne de
Dieu (appelée par certains “la pieuvre”, une organisation fondée il y a 30 ans, suivie aujourd'hui par au moins 15 millions de personnes et contrôlant 23 chaînes de TV et 40 de radio, ou le double de tout cela selon d'autres sources), Edir Macedo, enrichi en promouvant le concept de "théologie de la prospérité", et qui a des problèmes avec la justice notamment en ce moment pour blanchiment d'argent (il a aussi été en prison pour fraude et charlatanisme en 1992). En revanche le déclin
peut venir aussi vite que l'ascension, puisqu'il s'agit quasiment
d'un effet de mode, et que la concurrence est rude. Nous croisons
ainsi sur les bords de l'amazone, dans des villages insignifiants,
des édifices évangéliques abandonnés ou même pas terminés,
l'organisation correspondante ayant probablement dû revoir ses
“investissements”.
Autres religions
Parmi les
religions présentes au Brésil on nous mentionne l'islam, mais très
peu présent - notamment à foz de iguaçu et à manaus -, et le
judaïsme avec une communauté importante à sao paolo. Nous
entendons également parler des influences de spiritualité africaine
: l'état de Bahia est célèbre pour le “Candomblé”, sorte de
culte vaudou venu d'Afrique avec les esclaves. Mais en discutant on
nous explique que c'est mis en avant pour les touristes, mais que
cela ne représente en réalité que très peu de gens (moins de 1% de la population s'en réclame). En revanche il est vrai que les brésiliens sont souvent assez superstitieux, et dans beaucoup de domaines – notamment le foot -. Cela peut aussi se traduire par une certaine
démesure dans l'expression de la foi, et un mélange d'influences
dans le culte (pouvant alors justement mélanger une croyance héritée
du Candomblé avec le catholicisme).
Une église
catholique très engagée
Le catholicisme
est quant à lui très important au Brésil (le premier pays catholique au monde). Au départ, les jésuites
sont venus fonder des missions à partir du 16ème siècle -Sao Paolo
comme une grande partie des villes brésiliennes, était une mission
jésuite -, et ils se sont vite engagés pour défendre les indiens
de la convoitise des colons qui voulaient les esclavagiser (par exemple Jose Anchieta et Manuel da Nobrega).
Aujourd'hui l'église catholique brésilienne est encore très
engagée : cette année pour le Carême, il y avait une grande
campagne de solidarité et de lobbying montée par la conférence des
évêques brésiliens pour militer en faveur d'une sécurité sociale
digne de ce nom dans le pays. Un prêtre français nous dit : “On
pense souvent que les évêques brésiliens sont communistes, qu'ils
font de la politique. Mais il y a tellement de social à faire, que
c'est inévitablement aussi faire de la politique”.
De
la même manière, lors de la messe du dimanche de Pâques, à
Santarem en plein Amazonie, le prêtre métis mentionne aussi dans
son sermon qu'il est irresponsable de manger du boeuf et du soja ici,
car ce sont ces activités qui dévastent la forêt et
l'environnement.
Nous
avons eu la chance d'entrapercevoir un peu la diversité de l'église
au Brésil : nous avons assisté à des messes plus traditionnelles
et “rangées” -comme à l'église de la Gloria de Outeiro à Rio- ou
plus modernes et “envolées” – comme à Ipanema où le prêtre,
qui avait une belle voix, chantait comme un rocker au milieu de la
nef alors que les fidèles levaient les mains au ciel -. L'église
est multiple au Brésil, bien sûr, et elle a des aspects novateurs
qui sont peut-être en partie dûs à la concurrence des évangéliques
: nous lisons, comme sur d'autres pays, que les évangéliques par
leurs méthodes de marketing agressif ou tout simplement par leur
accent sur l'expression personnelle, sur la communauté et par leur
formes de culte très variées, influencent les catholiques depuis
des années – notamment les charismatiques, et par exemple le père
Marcello Rossi qui danse et chante apparemment dans ses messes diffusées à la télévision, qui a vendu plus de 12 millions de CD dans sa carrière, et dont nous avons vu partout le dernier livre "agape" - : ces charismatiques retrouvent la valeur d'une
communication plus explicite et assumée, avec des moyens modernes,
et une plus grande proximité des gens par exemple à travers des
chants plus dynamiques et adaptés. En réalité ce sont sans doute
plutôt les évangéliques américains, plus “honnêtes” en
général que les business brésiliens, qui ont inspirés ces courant
dans l'Eglise Catholique, mais la concurrence rude des évangéliques
au Brésil rend sans doute ce genre d'évolution d'autant plus
pertinente et rapide dans l'Eglise Catholique.
Congrégations
religieuses, et “O Caminho”
Nous
avons aussi eu la chance de rencontrer des religieux de jeunes
congrégations charismatiques religieuses français - des communautés
du Chemin Neuf et de l'Emmanuel -, qui font un très beau travail
dans les paroisses qui leur ont été confiées. Et nous avons aussi
beaucoup apprécié la vitalité d'une jeune et belle congrégation
brésilienne : O Caminho.
O
Caminho est une congrégation religieuse qui a 10 ans, inspirée
entre autres des Franciscains et des Missionnaires de la Charité de
Mère Teresa, qui se dédie à l'assistance aux pauvres et aux
drogués. Nous avons rendu visite à des soeurs d'O Caminho
installées depuis 2 ans dans une favela gérée par des
narco-trafficants. En arrivant nous devons les suivre pour être
identifiés comme “non-flic” par les gardiens de la favela qui
par un signal alerteraient les traficants. Un des buts des soeurs
est de s'approcher des drogués – qui viennent s'approvisionner en
drogue à 50 mètres de chez elles – par le moyen de cafés
gratuits, d'assistance et d'écoute, afin de faire partir ceux qui le
souhaitent dans des maisons de désintoxication. Le drogué le plus
jeune dont elles s'occupent a 10 ans. Elles jouent aussi un rôle de
présence dans un coin abandonné de tous, où les gens ont des
histoires terribles. Les familles de la favela, les trafiquants, les
drogués, les anciennes prostituées, ont salué leur arrivée en
disant : “pour nous vous ne pourrez rien faire, mais pour nos
enfants peut-être...” Et la favela a déja un peu évolué : par
respect pour ces filles de 18 à 25 ans en robe de bure il n'y a plus
de règlement de compte sur la place face à leur maison. Ces soeurs
ne vivent de rien, que de la providence. Elles ne veulent même pas
peser sur le diocèse. Alors elles expérimentent ce qu'elles
appellent la “providence exagérée” : elles comptent sur les
aides spontanées et reçoivent finalement en surabondance du lait
d'un marchand de la ville toutes les semaines, des gens du coin qui
leur donnent des plats... Elles nous invitent à une petite fête
chez elles pour fêter les 2 ans de leurs maisons. La porte sonne
toutes les 3 minutes, pour un besoin ou un autre, souvent de
nourriture. Inlassablement, avec gentillesse, elles donnent ce
qu'elles ont reçu.
Nous
visitons une autre maison de ces soeurs dans une autre ville, les
croisant complètement par hasard et nous faisant inviter à déjeuner
chez elles pour le dimanche des Rameaux : ici elles s'occupent plus
des pauvres en général que des drogués en particulier, les
accueillant tous les jours. Et une fois par mois, elles dorment dans
la rue, car pour travailler avec les pauvres il faut d'après elles
“comprendre le pauvre et sa vie”. Cette congrégation magnifique,
qui compte plus de 200 soeurs, des frères et des laïcs qui donnent
leur vie pour un travail de fourmi silencieux mais si beau, nous a
beaucoup touché. Il y avait chez tous ces jeunes rayonnantes une
ferveur et un don de soi impressionnants.
Ferveur
et jeunesse
Il
y a d'ailleurs en général au Brésil une grande ferveur. Les grands
lieux de pélérinage brassent des millions de personnes, comme
“Nosso Senhor de Bonfim” à Salvador, ou “Nossa Senhora de
Nazaré” à Belem (il y a plus de 2 millions de pélerins pour le jour du
“Cirio de Nazaré" en octobre, et des moyens de communications
considérables -tv, radio, jouraux – pour ce seul sanctuaire). Comme déja
mentionné, il y aussi souvent en apparence une grande superstition.
Mais les gens semblent en général entiers, prêts à se donner avec
générosité - les vocations religieuses sont d'ailleurs nombreuses au Brésil
-. A un rassemblement de jeunes à Bélèm en préparation des JMJ,
nous sentons un enthousiasme et une joie de vivre magnifiques. L'archevêque en tenue regarde avec bienveillance les saynettes préparées par des jeunes en jeans, qui hurlent de joie quand on leur dit que l'Eglise a besoin de saints contemporains, en t-shirt qui mangent des pizzas avec leurs amis : cela ressemble sans doute à des événements français comme le FRAT,
mais nous n'y avons jamais été. Il y a certainement aussi au Brésil
les qualités humaines des brésiliens qui rendent cette église
d'autant plus accueillante et vive.
Décidément, revenir à Rio l'année
prochaine pour les JMJ serait une expérience enthousiasmante, dans ce pays si chaleureux, à l'église jeune, dynamique et engagée !