Thursday, December 22, 2011

Live from Christchurch


La plus grande ville de l'île sud de la nouvelle zélande n'a pas eu de chance ces derniers mois. Le pays entier est en zone séismique, mais on avait toujours dit aux 340 000 habitants de cette ville de 150 ans que si une ville risquait les tremblements de terre, c'était plutôt Wellington, la capitale du pays au sud de l'île nord.
la cathédrale catholique détruite
Or depuis septembre 2010, la ville a été ravagée par 3 gros tremblements de terre (septembre 2010, février 2011, et juin 2011), et plus de 9000 petites secousses. De nombreux batiments se sont effondrés, d'autres étaient tellement endommagés qu'ils ont du être rasés car ils risquaient de s'écraser sur leurs occupants à la moindre nouvelle secousse. Le centre ville entier est classé "zone rouge" et est interdit au public. La cathédrale anglicane ainsi que la cathédrale catholique sont détruites. Et comme il y a une nouvelle grosse secousse tous les quelques mois, personne n'ose encore recommencer à reconstruire, tant que cet épisode douloureux n'est pas fini. Au total, 174 personnes ont trouvé la mort, et beaucoup sont encore sous le choc, déprimés, même ceux qui peuvent encore vivre dans leur maison. De nombreuses familles ont tout simplement quitté la ville. (dont 6000 personnes dans les 3 jours qui ont suivi la première secousse l'année dernière).

les rayonnages de la bibliothèque
après la secousse d'aujourd'hui

  Et aujourd'hui, alors que nous étions tranquillement en train de préparer notre déjeuner, nous avons à notre tour vécu notre premier tremblement de terre. Tandis que Stan met une peolle sur le feu, le sol se met à trembler et une caraffe en verre s'écrase par terre. Tout le monde court pour sortir dehors, très secoués. Surtout les habitants de Christchurch qui commençaient enfin à se faire à l'idée que peut-être que s'en était fini, qu'ils allaient enfin pouvoir tourner la page et commencer à reconstruire. Quelques minutes plus tard, rebelotte. La première secousse était de 5.9 sur l'échelle de Richter, et la deuxième de 6.0. Nous voyons un hélicoptère qui fait des rondes au dessus de la ville pour repérer des zones sinistrées qui ont besoin de secours. Les sirènes retentissent de façon intermitentes dans la caserne de pompiers voisine. Dans l'après midi nous aurons encore une autre secousse forte, et plusieurs douzaines de secousses plus petites.


Nous sommes dans une auberge construite sur un seul étage, de façon assez souple, donc nous ne craignons rien. Mais nous sommes encore un peu secoués par les émotions de la journée, et par l'incertitude de quand ça finira.  

Saturday, December 17, 2011

l'Australie en quelques chiffres et photos


7 fuseaux horaires (dont 3 qui passent à l'heure d'été, et 2 qui sont décalés d'une demi heure par rapport à leurs voisins...), 237 kangourous vus (dont 46 morts sur le bas côté de la route), 72 koalas, 140 perroquets multicolores, 5 emus (sorte de grosse autruche australienne), 0 wombats vivants (grosse déception de Clem mais ils sont nocturnes) mais au moins 19 morts éparpillés sur la route, 2 bons steaks de kangourou, 12 paquets de Tim Tam (biscuits australiens auquels Stan est accro), 2 nuits sous la tente dans des camping, 1 nuit sous la tente dans le jardin de Terry et Jude, 3 nuits dans la voiture (trop froid pour mettre la tente), une course poursuite de wallabies dans le 4x4 de Llew, 1 soirée de babysitting (ça nous rajeunit pas tout ça), 24 plages paradisiaques, 1 baignade rapide dans la mer a Bondi (même en été elle est vraiment glacée !!), 2300 kilomètres conduits de Melbourne à la Great Ocean Road et ensuite à Sydney, 17 jeunes dans les bars de Canberra le samedi soir (vive la night life), 138 règles auquelles nous avons désobéis (dont 27 haussements de sourcils d'hôtesse, douanier ou employé de sécurité à l'aéroport pour partir vers la nouvelle zélande), 1785 français entendus dans la rue, 1 symphonie entendue à la Sydney Opera House, 34 colocataires dans notre dortoir à Sydney (pour la plupart des fêtards de 18 ou 19 ans : ça nous rajeunit pas non plus), 1 concert underground dans un garage à Sydney, 248 moustaches dans tous les styles et toutes les formes (pas toujours les plus heureux) à l'occasion de Movember, 47 521 tatouages,  3 possums vues de nuit dans le parc de Sydney, 16 mariées (plus marié, bridesmaids, best men et tout le tralala) faisant des photos dans les rues et parcs de Sydney par un samedi ensoleillé ...

Voici nos photos préférées d'Australie :
https://picasaweb.google.com/111032676319290923536/Australie#

Mosaique de nos belles rencontres australiennes :


Australie Eldorado


Peut être avez vous déjà entendu parler du concept de "Working Holiday" ? C'est un type de visa que l'Australie propose aux jeunes qui veulent à la fois visiter le pays et avoir le droit de travailler et gagner de l'argent. En effet, le coût de la vie en Australie est très élevé: environ une fois et demi celui de la France, mais les salaires sont beaucoup plus élevés aussi. On nous explique que le salaire minimum hebdomadaire est autour de 500 AUD (soit environ 400€), qu'une heure de babysitting coûte 20 AUD, le moindre lit dans un dortoir en auberge de jeunesse minimum 25 AUD, un sandwich 9 AUD ... Du coup dans ces conditions on comprend que les jeunes soient attirés par la perspective de venir 1 an dans le pays, travailler quelques mois en gagnant bien sa vie et vivant très chichement, puis acheter ou louer un van, sorte de camionnette avec un matelas à l'arrière, et sillonner les routes du pays. Il y a quelques contraintes tout de même : on ne peut pas travailler plus de 3 mois de suite pour le même employeur (façon de limiter l'éventail des jobs au secteur du tourisme ou de la restauration) et pour renouveler son visa, il faut faire 3 mois de cueillette de fruits ou légumes, travail fatiguant et souvent dans des coins isolés où il n'y a pas grand chose à faire les jours de repos que de boire sa solde.

Bref, grâce à ce visa particulier, nous croisons énormément de jeunes européens, parmi lesquelles beaucoup de français, qui vivent dans les dortoirs des auberges de jeunesse de Sydney et Melbourne, qui font des petits boulots dans l'optique d'améliorer leur anglais et d'économiser de quoi aller visiter le pays. Gare au piège de se retrouver entre français, de rester entre français, et de finalement pas retirer grand chose de l’expérience ...  

Clem et Stan au pays des kangourous


Nous voila repassés dans l’hémisphère sud, où nous vivons le printemps austral depuis quelques semaines. Nous avons passé quelques jours à Melbourne chez Hugo et Mathilde, qui nous très gentiment accueilli au sein de leur petite famille. Puis nous avons pris la route (conduite à gauche, comme en Afrique du Sud et en Inde) pour voir un peu de ce pays sauvage.

Et nous n'avons pas été déçus.


A peine sortis de l’agglomération de Melbourne, nous sommes seuls sur les routes. Nous prenons le chemin de la Great Ocean Road, à savoir, la route qui longe la côte sud du pays, face à L'Antartique. En chemin nous nous arrêtons pour marcher un peu dans un sous bois, et y découvrons avec merveille des peluches accrochées dans les arbres, d'adorables peluches qui, en y regardant de plus près ont des griffes bien pointues et qui émettent des grognements rauques d'ours grizzly : nos premiers Koalas ! On voit même une maman qui mâchouille tranquillement (c'est pas des rapides ces bébêtes) ses feuilles d'eucalyptus, 5 mètres au dessus de nos têtes, accompagnée de son petit dont la tête dépasse à peine de sa poche ventrale. On voit aussi des perroquets aux couleurs vives, et pas franchement farouches. 


 Nous continuons notre chemin, rentrons dans un parc naturel, et après quelques kilomètres, pilons : là dans le champ, à peine à 50 mètres de la route il y a une vingtaine de kangourous ! Certains broutent, d'autres se bagarrent comme des boxeurs, un petit (pas si petit que ça d'ailleurs) nous voit et se réfugie d'un bond dans la poche ventrale de sa maman, qui à son tour s'éloigne de nous en quelques bonds puissants. Nous restons bien 30 minutes à observer la petite tribu qui nous surveille du coin de l’œil mais n'a pas l'air plus inquiète que ça de notre présence. Ils doivent se savoir protégés dans ce parc naturel..
Le soir, nous dormons dans un camping en pleine nature, au bord de la mer (qui n'est pas franchement chaude à cette latitude), et nous voyons et entendons d'autres koalas et perroquets.

Le lendemain, nous continuons notre chemin jusqu'aux 12 apôtres. Il s'agit de formations rocheuses sculptées par la mer et le vent féroce, qui ont grignoté les falaises jusqu'à ce que de gros blocs de pierre jaune se retrouvent désolidarisés de la terre ferme (il y en a 12, d'où les 12 apôtres). Le vent nous fouette le visage face à ces falaises jaunes et l'eau turquoise démontée en contrebas. Quel spectacle !

Nous reprenons la route vers l'est, dans le but de remonter la côte jusqu'à Sydney. Nous arrivons jusqu'à Mornington Peninsula, un petit bout de terre coincé entre la grande baie de Melbourne et la mer, où se trouvent à la fois des plages protégées de la fureur de l'océan et des vignes dans les hauteurs. Atterrés par les prix des campings, qui ne rentrent pas dans notre budget, et par l'interdiction de planter notre tente sur la plage (grosses amendes à l'appui, qui ne rentrent pas non plus dans notre budget), et inspirés par la lecture récente de "Africa Trek", nous tentons notre chance et sonnons chez des habitants pour leur demander la permission de camper dans leur jardin. L'occasion de faire connaissance de Terry et Jude, d'abord surpris de notre demande, puis finalement trouvant ça très drôle d'avoir 2 français qui campent chez eux, et nous offrent généreusement un verre de vin et du fromage (ils savent recevoir les français !). L'hospitalité australienne n'est pas un mythe !
une des plages protégées du parc de Wilson's Promontory
Nous repartons sur la route, et visitons le parc naturel de Wilson's Promontory, le village côtier de Metung, la fête du village de Bombala, la capitale administrative Canberra. Nous recevons à un des rares endroits où notre téléphone capte un coup de file de Puce et Llew nous invitant à passer les voir dans leur ferme près de Bateman's Bay. Nous y faisons leur connaissance, et suivons Llew qui nous fait le tour du propriétaire de la ferme qu'il à racheté il y a moins de 2 ans : il nous explique qu'il à décidé sur un coup de tête de devenir agriculteur de myrtilles, un business en expansion dans le pays, mais il a aussi de l'ail, des salades, quelques vaches, une truie et ses porcelets, des poulets, et une dizaine de ruches. Il nous fait même une petite frayeur en coursant un walabi (un peu plus petit et plus brun que son cousin le kangourou) et nous explique que ce sont des pestes pour les fermiers, car s'ils ne mangent pas les récoltes, ils les détruisent sans le vouloir avec les mouvements de leur queue. Puce et Llew sont au bord d'un parc naturel, et nous emmènent en 4x4 à travers des sentiers forestiers jusqu'à une plage paradisiaque déserte, où des kangourous broutent paisiblement face à la mer. Nous continuons et découvrons dans paysages magnifiques de ce coin trop loin des grandes villes pour être envahi par les touristes. En rentrant nous passons à travers un village où des kangourous sont étalés sur les pelouses, à brouter avec une nonchalance déconcertante non loin de retraitées qui bouquinent au soleil sur leur patio.

Nous quittons Puce et Llew pour reprendre la route le long de la côte vers le nord, puis vers l’intérieur des terres pour aller dans les Blue Mountains (qui ne sont pas vraiment des montagnes, plutôt des grandes collines au milieu desquelles il y a comme un Grand Canyon), et enfin, arrivons à Sydney.

Nous n'aurons pas vu le mythique Outback pendant cette semaine sur la route, puisque nous sommes restés le long de la côte, qui profite d'un climat océanique et humide, mais nous avons vu un grand nombre des fameux panneaux routiers australiens. Et nous avons aussi vu pourquoi ils sont si nécessaires : nous avons vu tant de kangourous, renards, wombats (sortes de grands rongeurs de la taille d'un petit chien), et autres animaux morts sur la route ou le bas côté... En effet, les routes ne sont pas bordées de grillages comme en Afrique du Sud et les animaux les croisent à leur guise. Il n'est d'ailleurs pas du tout recommandé de conduire la nuit.

Friday, December 16, 2011

Quelques réflexions en quittant la Chine

La Chine est un pays énorme, pluriel. Nous ne pouvons certainement pas prétendre avoir tout compris (ne serait-ce qu'à cause de la barrière de la langue) et comme d'habitude, les réflexions qui suivent ne sont que nos impressions personnelles apres 3 mois de voyage.
Ce pays fascinant est en marche à une vitesse incroyable, malgré sa taille gigantesque, et fait face à des défis importants. Le monde occidental le juge parfois peut-etre un peu vite car il en a peur. La Chine réserve pourtant certainement des surprises, et a peut etre des choses tres positives à apporter.


1/ La Chine en mouvement

Constructions
L'image que nous retenons de la Chine, c'est la grue. Elle est omniprésente dans tous les coins où nous sommes passés : un nouveau gratte-ciel-le-plus-haut-du-monde en construction dans le quartier des affaires de Shanghaï, tout comme des quartiers entiers de dizaines d'immeubles de 20 étages dans la périphérie de chaque ville, d'immenses viaducs au milieu des déserts du Xinjiang, des routes en Mongolie Intérieure, des routes et des tunnels dans les contreforts du Tibet, des villages flambants neufs à côté de vieux villages dans les campagnes... Le pays est un gigantesque chantier.
Les chinois façonnent littéralement le paysage, construisent beaucoup et vite : en prenant le train pour Kashgar (à l'extrême ouest du pays, près du Pakistan) nous réalisons que la ligne va déjà 500 km plus loin que ce que notre guide - pourtant tout juste paru - ne mentionne.

Développement
Surtout, nous avons en Chine l'impression que le pays est beaucoup plus développé que ce que nous imaginions : invités chez une chinoise à Yecheng (petite ville perdue de 20 000 habitants), nous sommes très surpris de découvrir un appartement très propre d'une soixantaine de mètres carrés, avec salle de bain et cuisine équipées, immense écran plat et décorations diverses. Elle a plutôt une situation simple (elle est professeur d'anglais à l'école publique et mère célibataire), mais vit pourtant dans un confort auquel nous ne nous attendions pas.
Dans ce pays, les proportions ne sont pas les mêmes et beaucoup de choses nous semblent démesurées : la moindre ville nous paraît énorme, quasiment inhumaine. On nous parle aussi d'un projet titanesque de pipeline devant apporter de l'eau au Xinjiang depuis la mer de chine après l'avoir désalinisé. La Chine a besoin d'une croissance phénoménale - qui tire des millions de gens de la pauvreté - pour alimenter l'activité du pays et acheter la paix sociale : elle lance des grands projets tous azimuts.

Trop vite
Mais si les chinois construisent vite, ils construisent aussi parfois trop vite, ou mal. Nous passons souvent par des hôtels qui étaient tout neufs et tout clinquants il y a peu, mais qui ont vieilli très vite : les portes ferment mal, les lampes sont branlantes, tout se délite. On nous explique aussi que les routes refaites sous nos yeux seront à refaire dans quelques mois. Deux éléments impactent la qualité des travaux en général : la superficialité d'un travail trop rapide, et la corruption (on rogne sur la qualité pour détourner plus de fonds). Cet été les retards et dysfonctionnements sur les nouvelles lignes de chemin de fer à grande vitesse, et un grave accident de train, ont montré les risques que prend la Chine en construisant si vite.

Matérialisme
Au milieu de cette activité et de cette croissance, et au sortir de plusieurs décennies de communisme "hardcore", les chinois sont en quelque sorte des "nouveaux riches". Le clinquant est apprécié, le matériel est valorisé. On nous explique qu'un jeune homme qui veut sortir avec une jeune fille doit amener avec lui les preuves de ce qu'il possède au premier rendez-vous. Il lui faut au moins une voiture ou un appartement pour avoir une chance. La consommation et le gâchis semblent parfois démesurés, par exemple à Chengdu dont le centre piéton est devenu un énorme centre commercial en plein air, avec des boutiques de luxe aux portes ouvertes qui charrient la clime, rafraîchissent tout le quartier et gaspillant une énergie considérable.
En allant visiter les magnifiques anciennes grottes bouddhistes près de Datong nous sommes étonnés de devoir traverser un véritable centre commercial et un faux temple flambants neufs, avant de pouvoir atteindre le site heureusement tout de même préservé. Les occidentaux "romantiques" que nous sommes sont sensibles aux vieilles sculptures défraîchies, alors que les touristes de masse chinois viennent pour les beaux magasins, les photos et les souvenirs kitschs. (Pour leur défense, si nous aimons les choses anciennes, nous ne nous souvenons rarement qu'au départ elles n'avaient pas l'air "anciennes" : les sculptures grecques ou l'intérieur de nos églises étaient peints de couleurs vives qui nous sembleraient aujourd'hui aussi clinquantes... Quant à beaucoup de monuments chinois, le fait qu'ils soient en bois oblige à les restaurer tous les 20 ans et à leur redonner régulièrement un côté clinquant qui est en fait plus authentique.)

Déséquilibres
Si par de nombreux aspects la Chine paraît développée, elle a tout de même de nombreux problèmes liés notamment à son activité énorme et à ses excès. Par exemple la situation des travailleurs migrants et de leurs famille : en Chine on est lié à sa localité d'origine et on est censé y rester pour étudier et s'installer. Mais les besoins de main d’œuvre sont tels que des travailleurs bon marché migrent pour travailler sur des chantiers en dehors de leur région d'origine. Ils se retrouvent alors dépourvus de droits, et leurs enfants ne peuvent par exemple pas s'inscrire à l'école...
La Chine a aussi des déséquilibres démographiques importants (par exemple un manque de femmes important dans certaines régions et une population vieillissante très rapidement, à cause de la politique de l'enfant unique), des problèmes environnementaux considérables (une pollution très importante dans les zones urbaines : ces huit dernières années, il s'est construit en moyenne une centrale au charbon par semaine en Chine...), et il y a d'autres menaces plus ou moins avérées, comme celle, sanitaire, des exhausteurs de goût utilisés systématiquement dans la nourriture alors que leurs effets sur la santé sont peut-être néfastes (certains sont interdits en Europe mais utilisés à haute dose en Chine).
Certains estiment que la Chine a sorti plus de 300 millions de personnes de la pauvreté au cours des 30 dernières années, mais il reste beaucoup de gens qui sont encore dans des situations difficiles (récemment évalués à 100 millions). A Kunming, comme dans d'autres villes, il suffit de s'asseoir quelques minutes non loin d'une poubelle pour voir des gens -souvent des personnes âgées, probablement dépassées par des changements considérables- fouiller et chercher quelques restes.

2/ Un pays multiple et complexe

Choc des cultures
La deuxième chose qui frappe en voyageant en Chine, c'est la variété des culture et des ethnies : le pays n'est pas uniforme, et un de ses défis est justement celui de l'unification d'un territoire énorme peuplé de cultures variées. Les gens qui ne sont pas de l'ethnie majoritaire Han - ethnie qui représente 92% de la population - sont appelés "minorités ethniques". Il y a une bonne quarantaine de minorités qui représentent autour de 100 millions de personnes, situés essentiellement dans les régions périphériques du pays comme la Mongolie Intérieure, le Xinjiang, le Tibet, le Sichuan ou le Yunnan. Ces minorités sont confrontés à l'invasion d'un mode de fonctionnement chinois qui leur convient plus ou moins bien, et surtout qui menace leurs spécificités culturelles.
Pour la majorité des chinois Han, les "minorités ethniques" semblent vues comme un ensemble de gens un peu arriérés, intéressants par leurs costumes colorés et leur coutumes originales. Dans les musées elles sont recensées et présentées en catalogue pour leur costumes traditionnels colorés. Il existe aussi des clips commerciaux "best of minorités", dans lesquels des Hans déguisés en Mongols, en Ouïghours ou en Tibétains chantent des chansons pop en mandarin valorisant les paysages, le mode de vie ou l'exotisme de chacune de ces régions. Il s'agit de faire venir des touristes Hans, c'est la manière de coloniser à la chinoise. Le problème c'est que ce sont souvent des Hans "importés" par millions qui tiennent les ficelles des affaires dans le tourisme et bénéficient des retombées. Les cultures locales sont réduites à un folklore amusant, les touristes chinois raffolent des spectacles colorés superficiels presque parodiques.
Il n'y pas qu'en Chine que la "modernité" semble menacer les cultures. En revanche il y a peu d'endroits ou les choses évoluent aussi vite. Il y a donc régulièrement des troubles politiques - heurts entre ethnies locales et Hans, manifestations, moines qui s'immolent - dans les régions plus reculées de la Mongolie Intérieure, le Xinjiang ou le Tibet.

La Mongolie Intérieure
Nous avons passé très peu de temps en Mongolie intérieure, car nous avons surtout traversé la région (immense...) en train et en bus. Cependant nous venions de Mongolie (extérieure) et nous avons été frappés par le côté beaucoup plus artificiel de la Mongolie Intérieure. En Mongolie extérieure un majorité de gens vivaient dans des ger (yourtes) par tradition. En Mongolie intérieure nous ne croisons quasiment que des pseudo-champs de yourtes pour touristes, de grands "resorts". Les routes sont toutes en travaux, les villes sont pleines de grues, de nouvelles avenues bétonnées et bordées de petits parcs transforment la moindre localité en parfaite ville chinoise.
Nous avons rencontré à Shanghaï trois jeunes touristes qui venaient de Mongolie intérieure, mais étaient Han. L'un d'eux nous a dit que les récents troubles en Mongolie Intérieure étaient de la faute des Mongols qui avaient bloqués des routes. Après quelques recherches nous avons compris qu'un Mongol avait en fait été tué, traîné par le camion d'un Han, et que c'est ce drame qui avait conduit des Mongols à bloquer les routes. Le jeune avait dit : "de toute façons les troubles de l'année dernière sont réglés car maintenant l'armée est là."

Le Xinjiang
Dès l'arrivée à Turpan (après 33h de train en place assise, depuis XiAn) nous avons l'impression d'arriver dans un autre pays avec des gens différents. Les gens n'ont plus les yeux aussi bridés, ils ont souvent des petits chapeaux carrés, sont musulmans et ils ressemblent plutôt à des turcs. Les Ouïghours sont l'ethnie minoritaire la plus importante du Xinjiang, (devenue minoritaires depuis le déferlement de Hans des 20 dernières années, mais devant toute une palette d'autre minorités ethniques).
Les Ouïghours sont aussi dans l'ensemble plus expressifs que les chinois Han que nous avons croisé jusque là (c'est aussi peut-être dû en partie à la taille moins inhumaine des villes) : plus curieux, plus collants, plus contrastés (contents ou pas contents), voire carrément goujats (certains chauffeurs de taxi refusent de nous prendre si nous ne payons pas une somme astronomique). Leur réputation auprès des autres chinois est d'être des voleurs et des terroristes. Même si il y a peut-être un fond de vrai dans les statistiques, une telle généralisation doit être un peu irritante...
Nous arrivons à un moment particulier dans la région. Il y a eu un attentat dans la ville de Khotan quelques semaines auparavant, des policiers ont été enfermés dans un commissariat et massacrés. La veille du jour que nous pensions arriver à Kashgar, il y a d'autres attentats : les informations ne sont pas immédiates car le gouvernement filtre les sms. Mais apparemment deux Ouighours ont chargé une foule de Hans avec des camions et poignardé des gens. Quand nous passons au Xinjiang il y a des policiers et des militaires partout, qui ralentissent les mouvements sur les routes par de fréquents contrôles d'identité.
A Kashgar nous voyons la ville qui se transforme : là aussi il y a des grues, la vieille ville est considérée comme insalubre et petit à petit rasée. Qu'en pensent les gens ? Certains vont générer des attentats, mais la majorité des Ouïghours ou des non-Hans les soutiennent-ils ? Pas sûr, beaucoup ont l'air d'être plutôt contents de leur nouveau confort. Il n'y a de toutes façons pas de sondage, ou pas d'autre moyen de savoir. Il y a un gouvernement local ouïghour, mais a priori le pouvoir est en réalité exercé par le représentant du Parti Communiste à Urumqi (la capitale du Xinjiang).

Le Tibet
Nous avons passé du temps dans les contreforts du Tibet à différents endroits à différentes reprises. C'est une région très belle et très intéressante. Une première remarque cependant, c'est qu'il n'y a pas un Tibet, tout comme il n'y a pas un bouddhisme tibétain : chaque région et localité a sa propre langue (on ne dit pas bonjour de la même manière à Lhassa, à Xiahe ou à Litang), et il y a plusieurs "sectes" dans le bouddhisme tibétain, la plus connue étant celle dite "du chapeau jaune" qui est celle du Dalaï Lama.
En arrivant la première fois dans cette région, nous avons l'intention de loger à Xiahe, où est situé le monastère bouddhiste de Labrang, le deuxième plus grand après Lhassa. Mais les hôtels refusent de nous donner une chambre, nous expliquant que le Panchen Lama - le "numéro 2 du bouddhisme tibétain" imposé par les chinois - arrive en visite et que la ville est fermée aux étrangers. En clair ils craignent des troubles (immolations de moines) et ne veulent pas que nous soyons témoins.
Là encore : que veulent les Tibétains ? Nous avons croisé des villages flambants neufs construits à côté des anciens villages traditionnels : ils avaient l'air de plaire aux gens puisqu'ils y avaient tous bougé. En allant à un festival de courses de chevaux nous avons aussi été étonnés de l'engouement des Tibétains pour la fête foraine (venue tout droit de chez les Han, mais en fait venue tout droit de chez les occidentaux). On croise dans ces régions des zones pauvres ou enclavées qui bénéficient forcément dans un sens des infrastructures apportées par la Chine.
Nous avons peut-être en France un regard un peu "romantique" sur le Tibet. Avant l'arrivée des chinois en 1950 la société tibétaine était dominée par les lamas qui avaient le pouvoir politique et spirituel. Certains disent même qu'il y avait un vrai régime de servage "comme au moyen-âge en Europe". Ces thèses sont évidemment fortement soutenues par la Chine, qui est censée avoir "libéré" le Tibet. Mais si ces thèses sont probablement exagérées il n'en demeure pas moins que certains tibétains sont certainement plus contents d'être aujourd'hui reliés au monde et d'avoir une vie plus confortable que d'être restés dans l'ancien système d'avant 1950. Les tibétains ne sont par ailleurs pas vraiment de doux agneaux. Ils ont tous des couteaux énormes accrochés à la ceinture, sont du genre rustique (à découper une vache en plein rue à 5h du matin pour vendre de la viande rouge aux gens qui prennent le bus, ou à "enterrer" leurs morts en les découpant pour qu'ils soient mangés par des rapaces), et parfois sanguins. Nous avons vu certains s'énerver beaucoup pour très peu, et on nous a dit que les questions d'honneur se payaient très cher chez les tibétains. En réalité la question du Tibet n'est peut etre plus tant politique que spirituelle (au sens de liberté religieuse) : le Dalaï-Lama cherche d'ailleurs à recadrer le débat dans ce sens, ne demandant pas d'indépendance pour le Tibet et ayant récemment abandonné son role politique au profit d'un autre. Mais le gouvernement chinois n'est pas encore capable de dépolitiser le débat et de faire confiance aux religions (i.e de les considerer comme organisations non politiques), et il n'est probablement pas aidé par les tibétains exilés ou par les occidentaux qui lui renvoient des critiques purement politiques qui le braque.
Nous avons entendu une opinion intéressante : un type nous a dit penser que les Tibétains étaient en quelque sorte "trop spirituels". Naïfs, peu préparés à valoriser leur propre culture et leurs activités de façon pragmatique, ils se feraient donc grignoter très facilement... (En meme temps nous verrons dans un post sur les religions en Chine que si le mode de vie tibétain est certainement menacé, le bouddhisme le semble beaucoup moins)

Les droits de l'homme
Dans toutes ces régions, les chinois investissent et développent les infrastructures. Ce faisant ils améliorent le niveau de vie de gens, mais menacent aussi les cultures locales : ils envoient des gens (Hans) et agrandissent les villes, les façonnant de la même manière que partout ailleurs en Chine. Le rouleau compresseur uniformisant Han bouleverse ces régions. Certains "locaux" non-Hans doivent être très contents des nouvelles opportunités et des améliorations, d'autres doivent se sentir "colonisés", envahis et menacés par un changement trop rapide.
Mais comme on ne demande pas leur avis aux gens - il n'y a ni élections ni sondage -, il n'y a aucun moyen de savoir si une majorité de Ouïghours ou de Tibétains est contente des changements. Et en cas de tensions ou de problèmes, la force ainsi que la désinformation sont systématiquement utilisées, sans savoir si on brime tout un peuple ou si on gère quelques fous suicidaires. Le problème des droits de l'homme est majeur dans ce pays et il est régulièrement mis en avant par la communauté internationale.
Cela dit il faut sans doute faire attention à ne pas prêter de mauvaises intentions au gouvernement chinois sur la "colonisation". Ils font peut etre de leur mieux avec leur schéma de pensée : le matériel, la croissance sont pour eux le plus important (et c'est nous qui les avons influencés dans ce sens), et dans cette optique si on apporte des opportunités aux gens ils sont forcément contents. Ils doivent légitimement penser qu'ils aident les régions sous développées en construisant des routes et en faisant venir des touristes. Le problème c'est l'usage de la force devant toute contestation : c'est sur ce point qu'à la place des chinois les occidentaux feraient peut-être les choses autrement, aujourd'hui.

3/ Une adaptabilité qui peut encore nous étonner

La culture Han
La Chine "Han" est quant à elle devenue tellement développée et consumériste (plus que nous), qu'on pourrait avoir l'impression qu'elle a elle-même oublié sa culture. De fait la révolution culturelle a fait des ravages, les valeurs anciennes ont été remises en cause et la culture ancienne n'a plus été enseignée et tramsmise. Il semble aujourd'hui que les connaissances historiques ou littéraires des chinois - bien qu'ils se targuent d'avoir une culture qui a 5000 ans - soient devenues assez superficielles, ou en tous cas orientées. Et depuis la révolution culturelle ils ont en fait adopté beaucoup d'aspects culturels occidentaux.
Cependant on voit toujours en Chine des gens qui font du taï chi, des gens qui pratiquent la médecine chinoise, qui jouent aux échecs chinois ou même qui chantent de vieux opéras chinois dans des parcs. Tout n'est peut-être pas si oublié.

Individualisme ?
Cet été une histoire a beaucoup fait parlé les média, en Chine et hors de Chine : une petite fille s'est faite renverser en pleine rue par un camion, qui a reculé pour l'achever parce que "la pension à payer pour un enfant handicapé est plus élevée que pour un enfant mort". Une dizaine de personnes sont ensuite passées à côté, sans réagir ou aider la fillette. Les chinois ont été très choqués par cette histoire, se demandant si ils étaient devenus particulièrement égoïstes. Il est vrai qu'en voyageant en Chine nous avons souvent eu l'impression d'un "chacun pour soi". Les gens ne se laissent pas sortir du métro, s'enfument les uns les autres... Ils sont nombreux et si ils veulent survivre il leur faut s'imposer. Si on ajoute à cela l'émergence d'une mentalité matérialiste et hédoniste de "nouveau riche", on peut se dire que chinois sont égoïstes.
Pourtant les chinois ne sont pas tous indifférents, ou en tous cas pas forcément beaucoup plus que les européens d'une grande ville. Pour nous ils sont parfois très curieux, voire prévenants (nous faisant doubler une file à la banque, faisant bouger d'autres passagers pour que nous soyons assis côte à côte dans un bus, refusant de nous vendre des billets "standing" pour un trajet de 33h pour notre confort...). Certains vont en fait être distants car ils auront peur de ne pas pouvoir communiquer, ou auront très peur de faire des erreurs en parlant anglais (comme de nombreux français).
En fait dans des endroits moins inhumains que les grandes villes, les chinois peuvent se montrer très accueillants : dans les villages on peut se faire volontiers inviter à boire du thé ou de la gnôle, même si l'on ne pourra pas vraiment communiquer. Les chinois ont aussi un vrai côté latin, bon vivant et plein d'humour. Il nous est aussi arrivé à plusieurs reprises d'assister dans la rue à des engueulades presque dignes d'italiens.

Adaptabilité
Surtout, si nous avons été choqués par des comportements individualistes partout en Chine, il faut absolument remarquer les Chinois peuvent évoluer : si personne (sauf Clem) ne s'est levé pour laisser s'asseoir une vieille dame dans un bus au Tibet (alors qu'un type prenait une place avec sa télé), nous avons été très étonnés de voir à Shenzhen des vidéos dans le métro pour expliquer comment être courtois, et 3 jeunes se lever instantanément pour laisser leur place à une jeune maman et à son enfant.
De la même manière nous avons d'abord été édifiés par la manière de voyager de la majorité des Chinois : en grand groupe, avec un équipement sportif et photographique flambant neuf, mais ne marchant pas plus de 100m, se faisant guider comme des moutons et prenant tout en photo tout le temps. Mais nous avons aussi croisé des Chinois voyageant seuls, sac au dos, curieux, remettant les choses en cause. Une amie qui a étudié longtemps en Chine nous a expliqué que c'était un phénomène nouveau qu'elle trouvait très rassurant.
Le trait qui paraît typiquement chinois et qui finalement reste d'actualité, c'est l'adaptabilité et le pragmatisme.
La culture chinoise est nourrie de confucianisme (les règles, le respect des anciens... remis en cause par la révolution culturelle), de bouddhisme (plus mystique) et de taoïsme (la "voie", le ying et le yang, le blanc contient un peu de noir...). Si ces trois philosophies peuvent nous paraître contradictoires, les chinois ont toujours navigué et su trouver une voie nuancée. Ils ne voient pas les choses de manière aussi manichéenne que nous, par exemple là où nous ne comprenons pas qu'ils puissent être aussi matérialistes tout en se prétendant communistes.
Dans un sens ils sont plus ouverts, plus pragmatiques et plus adaptables que nous. Et ce n'est pas seulement qu'ils sont malléables car leur culture a été lessivée et parce qu'ils sont endoctrinés (même si ce n'est pas complètement faux).

Le futur
Nous avons été épatés par Shenzhen : la ville est très moderne, elle est pensée et espacée, verte. La ville de Hong-Kong, en face, est rebelle, cosmopolite, ouverte. Les deux villes peuvent paraître différentes, et en concurrence. Mais les Chinois sont des maîtres pour conjuguer d'apparentes contradictions. La Chine de demain ressemble un peu à ces deux villes. Bien sûr beaucoup de déséquilibres menacent la Chine. Mais ils savent décider où ils vont, et ils évoluent mieux et plus vite que nous. Comme le disait un haut fonctionnaire international : on les critique beaucoup en occident parce qu'on a peur d'eux, et qu'on ne les comprend pas, mais ils ne se débrouillent vraiment pas mal. L'immense paquebot Chine ne doit pas être évident à manœuvrer...
Ils apprennent de leurs excès (Nous avons été étonnés d'entendre des critiques ou des aveux d'échecs sur un projet d'urbanisme à une conférence. Ce n'est pas ce que nous associons au communisme), et ils savent s'inspirer de ce qui se fait de mieux chez les autres. La seule chose, c'est qu'ils sont fiers, et détestent qu'on leur dise quoi faire, qu'on les prenne de haut ou qu'on leur fasse perdre la face. Peut-être que sur certains thèmes l'Occident est moins efficace quand il les critique, les braque et leur fait perdre la face alors qu'il pourrait mieux les influencer par l'exemple et l'émulation...

En fait, si on peut critiquer beaucoup de choses à court terme, les Chinois semblent à moyen terme capables d'évoluer, pour par exemple devenir "verts" beaucoup plus vite et beaucoup plus efficacement que nous (Ils l'ont mis dans leur plan quinquennal 2012, ils vont le faire...). Ils sauront aussi probablement aller (lentement) vers plus de démocratie : il y a différents courants dans le pouvoir chinois, des hauts fonctionnaires éduqués en occident, et surtout une capacité à virer sa cutille sans s'embarrasser de contradictions (à la Deng Xiao Ping : peut-être seront ils les premiers à conjuguer communisme et démocratie ?). Ils seront aussi peut-être plus capables que nous de se rendre compte des limites du matérialisme (ils y vont tellement à fond que le retour de bâton pourrait être surprenant.) ? Dans tous ces domaines ils pourraient peut-être nous aider à nous réinventer nous-mêmes. 

Wednesday, December 14, 2011

Florilège de petites citations recueillies en Chine



  • "Le vrai voyage ce n’est pas de chercher des nouveaux paysages mais un nouveau regard", Marcel Proust
  • "Via est patria" (la route est mon pays)
  • "Nul ne peut atteindre l'aube sans passer par le chemin de la nuit", Khalil Gibran
  • "Love anything and your heart will possibly be broken. If you want to keep it intact... give it to no one. Wrap it carefully with hobbies, and... luxuries... But in that place of dark, motionless, airless safety... it will become unbreakable, impenetrable and irredeemable". CS Lewis.
  • Sur le fait de ne pas tout comprendre : "Après une semaine on veut écrire un livre, après un mois on pense écrire un article, après un an on n'ose plus rien écrire."
  • Les cantonais ont la réputation de manger "tout ce qui a quatre pattes mais n'est pas une table, tout ce qui vit dans l'eau mais n'est pas un bateau, et tout ce qui vole mais n'est pas un avion"
  • "Au fait je vous ai pas dit, le 1er juillet c'est les 90 ans du Parti Communiste Chinois", à Pékin nous étions sans cesse matraqués par des affiches et des écrans.
  • "So romantic", le commentaire que l'on nous donne systématiquement quand nous disons que nous sommes français, avec un ton dont on ne sait si c'est du scepticisme  ou de l'envie. On me l'a aussi sorti en apprenant que clem m'avait épousé alors que je n'avais ni voiture ni appartement.
  • "We do not like the panchen lama", un jeune moine tibétain au sujet du "numéro 2 du bouddhisme" qui a été imposé par les chinois il y a une quinzaine d'année, alors que celui que les tibétains avaient choisi a été jeté en prison (Il avait 6 ans). 

Quelques citations d'un type qui a monté avec sa femme une maison d'accueil pour enfants handicapés abandonnés qu'ils recueillent, soignent et éventuellement font adopter :

  • Rob on his 50th birthday : "Lord, there has got to be more to life than tungsten carbide and balance sheets and selling stuff to people to make a profit. There's got to be more to life than this."
  • The project for the dying children is "to comfort always, to relieve often, to save sometimes"
  • "Hundreds of stranded starfish were dying along a beach, and an old man was slowly throwing them back into the sea one by one. Someone came along and pointed out that this task was hopeless and told him, "it won't lake any difference, there are too many for you to save them." But the old man held up a starfish and said, "it makes a difference to this one," and then threw it back in the sea."
  • When you start something in china : "it is better to ask for forgiveness than for permission", and also "partner with people already on the ground who are culturally familiar with china and able to establish genuine and respectful relationships with local people, from nannies and cooks to officials..."

Tuesday, December 6, 2011

La Chine 3 (suite et fin) en quelques chiffres et photos



283 cigarettes fumées par de chinois dans des bus dont ils refusent d'ouvrir les fenêtres, 18 thés différents goûtés, 132 cookies cuits (et mangés), 40 minutes pour parcourir 1km à 4200m d'altitude, en soufflant beaucoup, 25 francophones rencontrés dans le Tibet entre Litang Shangri-la et Dali, 4 chinois attablés munis de gros appareils photos Nikon prenant en photo le même plat (vu à Dali), 2 kilos de fromage engloutis en 30 minutes à 9h du matin (merci Hélène et Hubert), 12 minorités ethniques vues (environ), 379 animaux en cages ou bassines (tortues, poissons, serpents, canards, faisans, crapauds, ragondins, lapins, etc.) attendant d'être choisis pour repas du soir sur les trottoirs de Guilin, 371 bateaux mouches qui circulent sur la rivière Li entre Guilin et Yangshuo en permanence, 8 pieds massés (torturés) par des chinoises costaudes à Shenzhen, 821 photos prises de montagnes enneigées sur le route entre Shangri-la et Dali, 2h30 passées à chercher la cathédrale de Kunming (qui n'existe plus car détruite pour construire le métro, sur décision de l’évêque de Kunming, chef de la conférence épiscopale de Chine et membre éminent de "l'Eglise Patriotique"), 3 personnes se levant pour une jeune maman et son enfant dans le métro de Shenzhen (même pas plein le métro ) sous nos yeux ébahis (en effet, dans ce métro, on diffuse des vidéos toutes les 5 minutes expliquant qu'il faut être poli et laisser son siège aux personnes âgées et futures mamans).

voici nos photos préférées de ce dernier passage en Chine : https://picasaweb.google.com/111032676319290923536/Chine3#

et un album avec nos plus beaux portraits du Yunnan : https://picasaweb.google.com/111032676319290923536/PortraitsDuYunnan#

Enfin, la mosaïque de nos belles rencontres : 

Monday, December 5, 2011

Hong Kong


Après  3 mois en Chine continentale, en arrivant à Hong Kong nous avons un peu eu l'impression de revenir en Terra Cognita. Ce petit bout de terre cédé aux anglais il y a un peu plus de 100 ans est revenu à la République Populaire de Chine en 1997 sous forme de Région Administrative Spéciale (SAR). Les chinois ont encore besoin d'un visa pour s'y rendre, les européens non. La devise est le Hong Kong Dollar (qui vaut un peu moins que le Yuan), les impôts et taxes y sont différents du reste du pays, la presse y est beaucoup plus libre, et la censure d'internet n'y a pas cours. On trouve des églises chrétiennes à tous les coins de rue, ou presque. Des panneaux en anglais un peu partout (même si les caractères chinois restent majoritaires). Des boutiques de luxes occidentales longent les grandes avenues de Hong Kong Island, non loin des boutiques de médecine traditionnelles chinoises proposant algues, ginseng, concombres de mer, écorces et autres ingrédients aux propriétés magiques.

Ceci dit, on n'est pas si loin de la Chine que cela. La région doit revenir complètement sous contrôle Chinois au bout de 50 ans de transition, soit en 2047, mais ces messiers du Parti Communistes ne sont pas si patients : Le gouverneur u territoire est nommé par Pékin, et tous ceux qui travaillent de près ou de loin avec la Chine continentale savent très bien que leurs communications téléphoniques et emails sont monitorés par les services chinois. 

Nous y croisons de nombreux français grâce à l'association des anciens élèves de l'ESCP, et retrouvons Joy et Tam qui nous hébergent très gentiment chez eux et nous font découvrir leur ville. La vie y est bien sur plus cher qu'en Chine, mais plus occidentales aussi. On peut y vivre au quotidien sans parler Cantonais. D'ailleurs la plupart des occidentaux qui veulent apprendre le chinois optent plutôt pour le Mandarin, beaucoup plus utile pour le business avec la Chine que le Cantonais, variante locale parlée uniquement dans le sud-est du pays. Et en y mettant le prix, on peut trouver toutes ces petites choses qui nous manquent de l'Europe lorsqu'on est loin de chez soi. L'hiver il y fait un peu frisquet sans pour autant vraiment froid, et l'été on peut profiter des plages et sentiers de randonnée qui longent l'île de Hong Kong et les Nouveaux Territoires.

Bref, on s'y plaît beaucoup... 


Thursday, November 24, 2011

Mercis chinois (suite et fin)

Merci à José, Sarah, Nathalie, Vincent, Serge, et Anthony pour un passage très sympa à Litang, merci à Damien et Ting, Estelle, et Guillaume pour un repas délicieux à Shangri-la qui nous a presque fait oublier la défaite du 15 de France, Merci à Bruno pour une excellente balade à vélo à travers champs, Merci à Patrick pour son accueil et sa vision inspirante de l'hotellerie. Merci à jean-Yves pour son accueil à Dali, à Hélène et Hubert de nous avoir ravitaillé en fromage et en lacture censurée, à Camille pour son curry de poulet, à Matthieu pour la dégustation de thé, et à Alain pour le cours de Go. Merci au père Larry pour son temps. Merci à Pei Shan et Olivier pour leur accueil à Lincang, Jacques et Jacqueline de nous avoir embarqué pour une excursion très sympa à Xiding, et merci à Steven pour ses histoires sur le Yunnan et Jingong. Merci à Dima et Jenya, rencontrés dans le train de nuit. Merci à Isabelle et Fédérique pour leur accueil et un massage de pieds mémorable à Shenzen. Merci à la communauté des ESCP (et sympathisants) de Hong Kong pour une sympathique soirée vin-rillettes : Emmanuelle, Jean-Christophe, Jan, Nicolas, Violaine, Emilie, et tous les autres. Un grand merci à Joy et Tam de nous avoir hébergé et fait profité de Hong Kong, Merci à Sandy et Amy pour une soirée sympa. Merci à Alain pour son temps et une discussion très intéressante. Merci au père Bruno pour ses explications sur l'église en Chine.

De la difficulté de trouver un endroit paumé en Chine



On a beau être en vacances pour 18 mois, il nous est parfois nécessaire de prendre des vacances de ces vacances... Je m'explique : quand on voyage sac au dos, ne sachant pas le matin où l'on dormira le soir, et une fois ce souci bassement matériel résolu, se demandant ce qu'il faut faire et voir dans le nouvel endroit où l'on vent d'arriver, c'est fort palpitant, mais ça finit par être un peu fatigant. (Et en plus, quand on est en couple 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, quand on fatigue, on finit par se disputer). Du coup, on à envie de vacances, de calme, de repos dans un endroit paumé donc.

C'est là que les choses deviennent compliquées.
descente de la rivière Li en convoie de "bamboo raft"
Guilin est déjà un très grosse ville (ancienne capitale régionale, plusieurs millions d'habitants). On opte pour Yangshuo, qui est supposé être un village plus pittoresque, en aval sur la rivière Li. Sauf qu'on nous prévient que c'est hyper touristique, et pas franchement calme. Bon, alors sinon notre guide recommande Xingping, un autre village plus petit, non loin, et aussi si la rivière Li. On prend un "bambou raft" pour y descendre. En fait de bambou, il s'agit d'un rafiot de gros tuyaux en plastiques assemblés, avec un moteur basique et très bruyant à l'arrière, et nous descendons la rivière Li en convoi d'une trentaine de tels bateaux. Heureusement, on est à l'heure où les bateaux mouches locaux n'ont pas le droit de circuler sur la rivière. Et en basse saison. Nous voyons des centaines d'autres bateaux garés sur la rivière et qui doivent attendre la haute saison pour être déployés.

Les paysages sont très beaux : des formations rocheuses dites "karstique" bordent la rivière des deux côtés, et la tradition chinoise leur donne des noms poétiques que nous essayons sans succès de retrouver dans les formes des rochers. Ca ressemble aux paysages de la baie d'Halong au Vietnâm.

touristes chinois se faisant prendre en photo
en costumes "typiques" en polyester 

le paisible port de Xingping et ses bateaux-mouches
Arrivés au fameux village de Xingping, nous découvrons qu'il s'agit en fait d'une bourgade d'une taille déjà conséquente, avec hordes de vendeurs de camelote à touriste tout le long du "port". Pas franchement séduits, nous cherchons un peu plus, et découvrons que de l'autre côté de la rivière il y a un plus petit village, Dahebei, où il y aurait une auberge isolée et calme. Que cela ne tienne : nous prenons un bac, et suivons les panneaux fléchés pour arriver à la dite auberge. Qui était sans doute fort isolée et calme il y a encore un an ou deux. Qui est désormais entourée de 4 immeubles en construction. En effet, le gouvernement chinois aurait annoncé il y a peu leur intention d'ouvrir une gare à Xingping en 2015, du coup les infrastructures touristiques sont en plein boum. Alors même que les rues de Dahebei ne sont ni pavées ni goudronnées. Un peu dépités, nous partons explorer les environs, et en prenant un chemin boueux à travers les vergers de pamplemousse (dont c'est la saison). Au bout de 20 minutes de marche, nous tombons sur une ancienne école désaffectée. Nous avons la chance de tomber sur une gentille dame chinoise anglophone, qui nous explique que avec la politique de l'enfant unique, il y a moins d'enfants dans le village, et ils ont été rattachés à l'école de Xingping. Du coup cette école à été reprise par une association sino-américaine qui l'a transformée en hôtel (prêt, mais pas encore ouvert) et dont les profits financent la formation des villageois à l'agriculture bio. Le soleil se couche tandis que les hirondelles volettent le long du bâtiment. C'est calme. On prend !!
 

Nous restons 3 jours dans ce coin, à nous reposer et prendre le soleil. Seuls au monde. Ou presque. Car nous sommes à moins d'un kilomètre de la rivière Li, et les bateaux mouches armés de haut-parleurs réglés sur maximum arpentent la rivière toute la journée, à la queue-leu-leu sur cette autoroute du tourisme, transportant des hordes de touristes chinois se prenant en photo devant chaque rocher. Heureusement qu'on est en basse saison ...

convoi de bateaux-mouches équipés de haut-parleurs

Au final on se sera pas mal reposés, mais dans un calme tout relatif. Et dans tous les cas, d'ici un an ou deux, il y aura certainement 5 ou 6 hôtels supplémentaires construits ou en construction tout autour.

PS : En partant, on passe obligatoirement par Yangshuo, le soit-disant "village" en aval de Guilin. En fait de village, il s'agit d'une ville d'au moins 200 000 habitants en haute saison, avec barre sur barre d'immeubles identiques pour héberger les touristes, des rues entières bordées de restaurants "typiques" pour les nourrir, des stands à souvenir pour leur soutirer un maximum de sous, sans compter des boutiques de luxe (Louis Vuiton !). On est bien contents de passer notre chemin aussi sec !

Sunday, November 13, 2011

Yunnan

 Jamais deux sans trois : nous sommes passés chez Jean-Yves et Fenghua à Shanghai lors de notre premier passage en Chine, et avons croisé JY et sa maman à Chengdu lors de notre deuxième passage. Nous nous devions donc de passer chez eux dans leur grande maison à Dali, dans le Yunnan, d'autant plus que c'était aussi l'occasion d'y retrouver d'autres amis de passage ! Hélène et Hubert nous y ont ravitaillé en bons fromages français. Camille nous a préparé un délicieux curry dont il rapportait tout juste la recette d'Asie du sud-est. Jean-Yves et son ami/associé Matthieu nous ont initié au Yoga. Nous avons eu nous aussi l'occasion de cuisiner un peu ratatouille, gâteaux, cookies. Nous avons marché un peu dans les hautes collines (nous sommes encore à 2000m d'altitude) environnantes.

arracheur de dent officiant sur le marché de Dali
 Nous nous sommes baladés au marché tri-mensuel (en fonction du calendrier lunaire) où les locaux viennent tout acheter et vendre, des hottes en paille aux blousons en faux léopard dernier cri.
achat de piments sur le marché de Dali
  

Clem y aprend que Mamie, sa grand-mère paternelle est partie rejoindre l'éternel. C'est dur d'être loin de la famille dans ces moments là.


Nous quittons Dali pour descendre plein sud, dans la région de Chine appellée Xishuangbanna, aux frontières de la Birmanie, du Laos, et du Vietnam. De 2000m d'altitude à Dali, nous descendons pas mal, il fait plus chaud, et plus humide. La saison des pluies locale est à peine terminée, les rizières en étage sont innondées, les bannaniers chargés de fruits, et les plantations de thé occupent les coteaux brumeux.
grand-mère Dai allant au village
ouvrière ramassant le thé
C'est autrement plus tropical que les montagnes pelées du Tibet! Les Daï sont l'éthnie principale du coin, mais il y en a de nombreuses autres: Hani, Akha, Boulong... Dans les hautes collines, on cultive le thé, en particulier pour faire le Pu'er, thé très prisé des ammateurs et particulier à cette région.

grand-pères Akha sur le marché de Xiding

 Nous visitons un marché local, et nous baladons dans un village. La petite ville de Jonghong n'est pas si petite que ça : on nous dit qu'ils sont en train de construire un veritable New York de gratte ciels à 2 kilometres de là. Le front de rivière est bordé de pagodes pour touristes toutes identiques, la nuit ça ressemble à Disneyland. On nous dit que cette région est la "Floride" de la Chine : les riches retraités y viennent prendre leur retraite depuis quelques années, et ça pas mal changé le paysage.

Nous remontons passer 2 jours à Kunming, la capitale provinciale du Yunnan. Grande ville éventrée par la construction de son premier métro, nous ne sommes pas franchement séduits. Il y a quand même des parcs sympa, un marché aux fleurs et oiseaux, où on se laisse bercer par les chants des boules de plumes dans des cages alignées qui ressemblent à des cellules de prison, et un quartier étudiant sympa, près de la grande université de la ville.

Le Yunnan est une région chinoise où il fait bon vivre, et où ou pourrait presque oublier par moment qu'on est en Chine tant la population est variée.
une dame Baï déjeune près du marché

De retour en Chine tibétaine


Nous avons quitté l'Inde mi octobre pour revenir une troisième et dernière fois en Chine, cette fois pour en voir le sud. Nous avons repris notre périple chinois là où nous l'avions laissé : à Chengdu, dans le Sichuan. Nous avons immédiatement enchaîné deux journées de bus complêtes pour monter jusqu'à 4200m d'altitude au village tibétain de Litang. Nous étions encore dans le Sichuan, et non dans le Tibet administratif, et pourtant plus hauts que Llasa : nous avons mis quelques jours à nous aclimater à l'altitude, ainsi qu'au froid. La route por venir n'était pas très bonne : c'est surtout car les chinois n'y vont pas de main morte : ils refont tout d'un coup ! L'ancien goudron à été tout enlevé, et dans quelques semaines passeront sans doute les goudroneuses... 500km de routes de montagne d'un coup !
des pèlerins tibétains au temple de Litang
A Litang, la seule végétation est une sorte d'herbe rase et quelques fleurs qui recouvrent les collines voisinantes : on est au dessus de la ligne d'arbres. On voit des pics enneigés au loin (on est pourtant à la même lattitude que le Sahara...) La population est majoritairement d'ethnie tibétaine, et porte le costume traditionnel : pour les hommes, sorte de manteau épais aux tres longues manches pour les hommes, retenu à la taille par une ceinture à laquelle pend un grand couteau. Les femmes elles portent souvent une longue robe chasuble grise, recouverte d'un tablier, et ont les cheveux natés, et de nombreux colliers de perles multicolores autour du cou ou sur la tête. On les croise avec leurs roues de prière sur le chemin du monastère, ou vaquant à leurs occupations dans la rue ou au marché.
Un moine en robes safran et rouge par-ci par-là. Un "Tachi Délai" (bonjour) lancé fait immanquablement sourire à pleines dents les petites vieilles ravies. Il y a aussi des chinois Han (ethnie majoritaire en Chine) qui sont plus frêles, qui tiennent des commerces là et ont l'air moins accoutumés à l'altitudes (pour autant, les jeunes filles sont habillées comme à la ville, en microshorts et leggings, et chaussures à paillettes). Pas un occidental en vue. Ah si tiens ! 5 cyclistes francophones (2 français, 2 suisses, et un quebequois) qui traversent les montagnes à vélo... Nous sommes grave épatés, nous qui nous essoufflons à monter l'étage de l'auberge pour aller à notre chambre. Nous ne sommes pas trop dépaysés par rapport à l'Inde : il y a des yaks et leurs petits en plein milieu de la route. Une énorme truie se balade même à la recherche de restes du dîner de la veille qui auraient été jetés dans l'égout à ciel ouvert. Et des chiens... les tibétains adorent les chiens A l'origine surtout pour garder leurs troupeaux, mais même à la ville, on en voit partout, et de toutes les races : des gros chiens poilus façon Gros Cachou et des petites choses ridicules façon aspirateur à miettes. On trouve même, dans une décharge au pied du monastère, un endroit ou visiblement 4 ou 5 portées de chiots attendent leurs mères: adorables bouts de choux qui font craquer Clem : si seulement on pouvait en emporter un !
Nous prenons un minibus pour Shangri-la. Occasion d'entourloupe tibetaine (on apprend apres coup qu'ils sont specialistes du plan qui tombe à l'eau à la derniere minute mais proposent toujours une alternative plus cher...) Zhongdan, ville tibétaine dans le nord du Yunnan, juste de l'autre côté de la frontière avec la région du Sichuan, à été renommé Shangri-la à la fin des années 1990, d'après le nom d'une ville paradisiaque dans un roman anglais des années 1930, afin d'y développer le tourisme.


Nous arrivons pile à temps pour la finale de la Coupe du Monde de Rugby... ça tombe bien, la France joue ! Nous rencontrons plein de compatriotes à cette occasion : pour une ville certes touristique, mais quand même très paumée, nous sommes impressionés par le nombre de français installés là ! Un couple franco-chinois tient un excellent restaurant tibétain. Un autre travaille pour Enfants du Mekong. Une autre restaure une vieille ferme à deux heures de route pour en faire une auberge et un restaurant. Un autre encore monte des treks de luxe pour touristes français.
 Le lendemain nous partons faire un tour à vélo dans la région avec Bruno, nous passons dans un village tibétain tranquil, où la paille est mise à sécher sur des grands étendoirs dans les champs environnants, où des femmes lavent leur linge dans un ruisseau tandis que les vieilles promenent leurs petits enfants attachés dans leurs dos, et les vieux fument sur le pas de leur porte en nous regardant passer. Nous faisons une fine équipe : Stan à un vélo coincé en petite vitesse, Bruno perd sa pédale droite mal attachée de façon régulière, et Clem est épuisée dans la moinre montée (petite tension...). Nous visitons le monastère du coin, semblable à beaucoup d'autres, et passons derrière pour rendre visite à Patrick, un autre français rencontré la veille, qui dirige un hotel de luxe et de charme (c'est pourtant rare de trouver les deux réunis en Chine) tout en veillant à l'équilibre du village à côté, dont il emploie 20% de la population, et où il propose des cours de mandarin (la langue locale est un patois tibétain) et d'anglais, subventionne les études universaitaires de quelques uns, et encourage la création d'un magasin d'artisanat local à destination de ses clients. Nous sommes séduits par sa vision de l'hotellerie de luxe : elle est compatible avec le respect de l'environnement et de la population locale.

Monday, November 7, 2011

Religions et spiritualités en Inde


L'Inde est le pays le plus spirituel que nous ayons visité. En Inde des foules se mobilisent et se déplacent pour des événements religieux ou spirituels, dans une mesure qu'on ne peut probablement pas trouver ailleurs. C'est un pays où l'on peut croiser des gens qui prient partout, et où l'on peut aussi trouver des individus qui ont fait des études prestigieuses et obtenus des postes de rêve mais qui ont tout à coup décidé de tout quitter pour s'enduire le corps de cendres et errer sur les routes... Le bouddhisme et l'hindouïsme trouvent leurs origines en Inde, et la plupart des autres grandes religions y sont présentes, s'entrecroisant et s'influençant depuis des siècles.


1/ Les grandes religions et spiritualités présentes en Inde


L'hindouisme est la première religion d'Inde, vieille de plus de 4000 ans, et comptant pour fidèles plus de 80% de la population du pays. Si il y a en Inde une majorité d'hindous qui croient en un panthéon de dieux, on nous dit plusieurs fois "il y a autant d'hindouisme que d'hindous". Par exemple, les hindous du sud de l'Inde mangent des vaches, des rats et des serpents alors que ces animaux sont vénérés dans le Nord. Surtout chaque hindou préfère l'un ou l'autre des milliers de dieux qui existent dans l'hindouïsme. En fait les dieux de l'hindouïsme sont des avatars, incarnations ou états d'un dieu unique manifesté par une trinité : Brahma le "Generator" - Vishnu "l'Operator" - Shiva le "Destructor" (ce qui fait "GOD", et que l'on pourrait rapprocher du Père créateur, de l'Esprit agissant et du Fils rédempteur). L'hindouisme intègre tout, peut-être à la manière de la religion des romains qui intégrait facilement des nouveaux dieux. Apparemment, alors que le bouddhisme (qui était aussi en réaction à certains aspects de l'hindouisme) gagnait en importance en Inde jusqu'au 3ème siècle avant J-C, la situation s'est renversée lorsque l'hindouisme a intégré Bouddha parmi ses dieux, en tant qu'incarnation de Vishnu. Aujourd'hui, des hindous n'ont aussi aucun problème à vénérer des saints soufis musulmans, Jésus ou Marie. Ainsi chaque année en septembre, au moment où l'on fête la nativité de Marie, l'église de Mount Mary de Mumbaï s'organise : des bâches sont tendues à l'extérieur sur le côté de l'église et un espace pour les célébrations catholiques y est temporairement installé, pendant que l'église est prise d'assaut par des millions d'hindous qui défilent pour offrir des fleurs et vénérer une statue de Marie. Quand nous y sommes allés nous avons été étonnés du temps qu'il nous a fallu faire la queue pour entrer dans l'église, et de l'organisation autour de cet événement : il y avait des bus spéciaux pour atteindre le lieu, des stands d'offrandes et d'objets religieux à foison, une véritable kermesse à la sortie, et des affiches de tous les politiciens locaux qui transmettent leurs meilleurs voeux aux pèlerins...

Le boudhisme est né dans le nord-est de l'Inde au 5 ou 6ème siècle avant J-C - nous sommes passés notamment à Sarnath, non loin de Varanasi, où Siddharta Gautama, le premier bouddha, a fait son premier sermon- ; mais il est essentiellement aujourd'hui tibétain, chinois, japonais, laotien... plus qu'indien. Le dalaï-lama, le chef spirituel du bouddhisme "au chapeau jaune", l'une des formes de bouddhisme tibétain, est réfugié à Daramsalah dans le nord de l'Inde, et nous avons croisé des tibétains exilés dans tout le pays.

L'Islam est la deuxième religion la plus importante d'Inde : elle représente 13,5% de la population du pays. Chaque ville a son quartier musulman et sa mosquée. Nous avons aussi visité 3 tombeaux de saints soufis musulmans - à Delhi, Ajmer et Fatehpur Sikri - aux enseignements de tolérance résolument modernes.

Le judaïsme est encore un tout petit peu présent en Inde : nous avons visité des synagogues à mumbaï et à Cochin dans le Kerala, et aperçu une école talmudique à Kolkatta. Il reste aujourd'hui environ 5 000 juifs dans toute l'Inde. Leur présence a été tristement rappelée récemment au moment des attentats de mumbaï en 2008 lorsqu'un des commandos a pris pour cible Nariman House, une maison d'accueil d'une organisation juive orthodoxe.

Le jaïnisme est une religion très ancienne, probablement née entre le 9ème et le 6ème siècle avant J-C, et dont il reste quelques millions d'adeptes, notamment dans le Rajahstan. Les fidèles se caractérisent notamment par un ascétisme important, et par l'idée de non-violence qui se traduit par un respect très poussé envers toute forme de vie. Les fidèles sont végétariens et ne mangent pas de plantes à racine - c'est-à-dire qui seraient tuées pour être consommées -. Les moines poussent ce respect jusqu'à faire attention à ne pas inhaler d'insecte, ou à ne pas en écraser en se déplaçant : ils ne se déplacent qu'à pied en balayant au fur et à mesure devant leur chemin. Les jaïns ont l'obligation d'être honnêtes, ce qui a induit leurs voisins d'autres religions à leur confier traditionnellement les métiers d'argent. Les jaïns sont aujourd'hui souvent aisés et cultivés.

Le sikhisme est une religion née au 15ème siècle après J-C dans le Punjab, une région du nord de l'Inde. Cette religion reprend d'une certaine manière les enseignements des principales religions et spiritualités et en fait une synthèse. On reconnaît les sikhs au 5 "k" qu'ils respectent, qui incluent notamment le fait de ne se couper aucun poil, de porter un poignard, un bracelet en acier, un peigne, un caleçon particulier... Les hommes sont donc ceux qui ont souvent des barbes et cheveux long ramenés sous un turban. Les fidèles ont tous pour nom de famille "singh" (lion).

Il y a aussi en Inde des bahaïs, adeptes d'une autre religion qui tente de faire la synthèse des grandes religions qui l'ont précédé. Celle-ci date du 19ème siècle, a son centre mondial à Haïfa en Israël, et a érigé récemment un temple en forme de lotus à Delhi.

Il y a enfin des chrétiens en Inde, très minoritaires puisqu'ils ne sont que 2%. Mais leur présence est très disparate, en fonction des aires colonisées et des influences de pays chrétiens au cours de l'histoire (voir ci-dessous pour plus de précisions sur les catholiques).

Il faut aussi mentionner l'influence en Inde de "gourous". Sans être forcément des sectes, il existe de nombreux mouvements plus ou moins spirituels autour de leaders qui ont un succès phénoménal. Certains gourous ont des millions d'adeptes autour du monde. Par exemple la fameuse Amma, qui prend les gens dans ses bras. Basée dans le Kérala elle a aussi beaucoup voyagé (notamment en France il y a un ou deux ans) et attiré des foules. Elle est apparemment à la tête d'oeuvres et de moyens colossaux.

une des sources sur les religions en Inde en général : http://fr.wikipedia.org/wiki/Religions_en_Inde


2/ Tolérance, dialogue ou syncrétisme ?


Au vu de cette diversité de religions et spiritualités, on ne peut que s'étonner du peu de problèmes religieux en Inde. Comme bien souvent, les tensions ont plus pour origines des différences socio-économiques ou des problèmes politiques : on nous explique ainsi que les chrétiens persécutés dans certains états l'étaient aussi parce qu'ils s'en sortaient mieux et suscitaient la jalousie. Il y a cependant aussi des fanatiques de tous bords qui cherchent à s'attaquer aux autres religions : ils font parfois malheureusement beaucoup de dégâts, suscitant la peur et la méfiance, alors qu'ils ne représentent qu'une toute petite minorité. (Dans les états où le parti nationaliste hindou BJP est au pouvoir, les fondamentalistes se sentent parfois "soutenus"...)

Ce qui est intéressant, c'est donc qu'il y a en Inde un grand respect pour la chose spirituelle, et une grande tolérance. Quand nous demandons de l'aide pour trouver une église ou une messe les gens nous prennent très au sérieux et nous aident, qu'ils soient évangéliques, hindous ou musulmans. Quand nous avons visité la dargah d'Ajmer - tombeau d'un saint soufi musulman -, c'était le jour de l'anniversaire de ce fameux saint, et donc le jour de plus grande affluence. Nous aurions pu être mal reçus, pointant notre nez le jour le moins pratique et le plus embouteillé. Pourtant on nous a fait passer devant avec le sourire. La plupart des temples sont ainsi ouverts à la visite. Certains fidèles sont parfois contents des visites et n'hésitent pas à s'intéresser aux visiteurs.

En discutant avec certains, les plus ouverts, on sent souvent l'idée intéressante que finalement toutes les religions, bien vécues, ont le même but ; que chaque religion offre, à travers un prisme particulier et ancré dans une culture, un chemin vers le même Dieu, ou si on préfère, le même esprit, la même énergie. Mais ce qui est intéressant c'est qu'on se rapproche non pas en diluant chaque religion dans un magma informe mais au contraire en creusant mieux chaque religion et en gardant sa spécificité. Et en ayant l'intelligence de chercher à saisir l'esprit de la lettre et non seulement la lettre.

Nous avons par exemple eu la chance de discuter avec une famille de sikh éclairée, et nous sommes sentis très proches de leurs conceptions d'égalité entre les hommes, de pacifisme, de prière et de relation constante à Dieu, de vérité à chercher, de différents points de vue sur un même dieu amour, de retrouvailles en dieu après la mort...

Nous avons rencontré dans le Kerala un type qui se dit à la fois catholique et hindou. De famille catholique, son père l'a rejeté quand il a épousé une hindoue (aujourd'hui ce genre de mariage mixte arrive couramment et est plus accepté). Posé, intelligent, cultivé (il écoutait sur youtube du marin marais, un compositeur français de l'époque de Louis XIV), il a dans son bureau des images de shiva et de la vierge marie. Féru de numérologie et d'astrologie, il dit aussi croire à la réincarnation, parler aux esprit et utiliser un pendule. Surtout, il est intéressant car il n'est pas dogmatique. Il grapille ce qui lui parle tout autour de lui, en recherche et fidèle à sa conscience. Pour lui la numérologie ou l'astrologie sont des outils, des indications - pas toujours fiables et à prendre avec recul - parfois utiles. Son but est d'aider ceux qui le souhaitent éveiller quelque chose en eux, et à les laisser suivre leur propre chemin.

Au Loyola College de Chennaï - une des meilleures universités d'Inde, gérée par les Jésuites -, on nous explique qu'il y a des étudiants de toutes les religions et que le but des formations est aussi de faire "d'un hindou un meilleur hindou, d'un musulman un meilleur musulman et d'un chrétien un meilleur chrétien". Nous avons la chance d'y rencontrer un théologien passionné de dialogue interreligieux. Né dans une famille chrétienne il a grandi avec des hindous jusqu'à 10 ans, puis a été formé chez les jésuites, est devenu prêtre et théologien. Nous lui parlons de l'importance des religions et spiritualités en Inde, et lui posons la question de la différence entre religion et superstition. Il nous explique que ce qu'on appelle superstition dépend de nous, que ce qui n'est pas encore appelé superstition le sera peut-être plus tard, et que l'important est de respecter le signe d'une foi, d'un élan spirituel. Pour ce qui est des phénomènes "paranormaux" ou "ésotériques" comme ceux de notre ami du Kérala, il est aussi étonnement ouvert : plutôt que d'en douter il dit "c'est possible". Il explique attacher beaucoup d'importance à l'expérience, et garder en tête qu'on ne maîtrise pas tout et qu'on ne connaît pas toutes les influences. Il précise qu'il n'y a pas une meilleure religion ou spiritualité : chacun, fidèle à ses racines et à sa culture, peut trouver Dieu quel que soit son chemin. Et l'Eglise établit que l'Esprit peut souffler aussi à travers les autres religions, hors de l'église catholique ou hors de la chrétienté.

Cela sonne d'ailleurs un peu comme les affirmations de Gandhi, qui se disait hindou, chrétien et musulman et juif à la fois. Ou comme le dalaï-lama qui a déclaré : "Il ne sert à rien de changer de religion ; toutes les religions ont du bon", et qui a invité en 2006 les chrétiens à pratiquer « sincèrement » leur religion, plutôt que de se convertir à la sienne.

Toujours suivant ce théologien rencontré à Chennaï, l'Esprit de Dieu n'est donc pas obligé de dire la meme chose à tous : il parle à chacun à sa façon, d'une façon appropriée. En conséquence, dit-il : "Si dieu a parlé à un autre, cet autre n'est pas tout à fait étranger à moi" et : "Je dois etre fidèle à la manière dont Dieu m'a approché, mais je peux écouter Dieu à travers l'autre."

Ce qui est donc particulièrement intéressant, c'est l'idée que toutes les religions ont quelque chose à apporter à une recherche commune. Toute l'idée de l'inculturation chez les catholiques et du dialogue interreligieux en général est bien d'avancer grâce aux éclairages et apports des uns des autres. Et de proposer le résultat à la société. Et c'est notamment ce qui est fait chaque année depuis 25 ans par les rencontres dites "d'Assises".
http://www.la-croix.com/Religion/S-informer/Actualite/Benoit-XVI-renouvelle-l-esprit-d-Assise-_NG_-2011-10-27-728644
http://www.la-croix.com/Religion/S-informer/Actualite/Marche-interreligieuse-pour-la-paix-sous-les-tours-de-la-Defense-_NG_-2011-10-25-727635
http://rome-vatican.blogs.la-croix.com/jetais-a-assise/2011/10/27/


3/ Les catholiques


Nous avons trouvé des catholiques en Inde à peu près partout où nous sommes passés - bien que parfois très minoritaires et peu visibles comme dans le Rajahstan (apparemment ce sont des capucins français qui ont évangélisé Jodhpur en 1934), à Agra ou à Varanasi. En passant dans la ville de Mysore, nous avons été surpris d'y découvrir l'immense cathédrale sainte Philomène, qui nous rappelle presque une cathédrale française comme Strasbourg. Elle a en effet été construite par un évêque français, un certain René Feuga. A Chennaï nous avons rendu visite à la tombe de St Thomas (l'apôtre, celui qui n'a pas cru sans avoir vu), une cave moderne et sans charme mais qui a le mérite d'être calme. Nous avons aussi régulièrement croisé différentes oeuvres catholiques, dont celles des Missionnaires de la Charité - les soeur de Mère Teresa -, avec qui nous avons passé du temps à Kolkatta.

Nous sommes passés par deux états très catholiques, ceux de Goa et du Kérala :

GOA
Dans l'état de Goa, la situation est très différente du reste de l'Inde : si l'état est peuplé à majorité d'hindous, il y a cette fois-ci 28% de catholiques (et 5% de musulmans). La colonisation portugaise a converti (parfois de force) de nombreux indiens, qui portent aujourd'hui des noms portugais pris au moment de la conversion de leur famille. L'ancienne ville de Goa a été appelée un temps la "Rome de l'Est", à cause de son importance - elle a été une des plus grandes villes du monde-  et de la quantité et de la taille de ses églises. Il ne reste aujourd'hui à cet ancien emplacement que les immense bâtiments religieux magnifiques - cathédrales, églises et couvents -, témoignant de la grandeur de cette ville aujourd'hui recouverte par la végétation.

Nous rencontrons les jésuites de Panjim - la capitale de cet état -, ouverts, modernes et très sympas. Ce sont des indiens aux noms portugais, d'âges et d'expériences variées, tous très éduqués, parlant plusieurs langues. Parmi les langues non-indiennes parlées par les jésuites autour de la table à laquelle nous sommes assis, il y a l'anglais, le français, l'allemand, l'italien, l'espagnol et le swahili... Nous parlons de relations avec les autres religions, et notamment avec l'hindouïsme : ils nous racontent qu'il y a une "église - temple", qui reprend des éléments hindous dans la présentation et le fonctionnement - pieds nus, fleurs... - pour assurer une sorte de pont entre chrétiens et hindous. Ils nous précisent surtout que si au départ les missionnaires avaient été très stricts dans la différenciation entre catholiques et hindous croyants à Jésus, ce sont aujourd'hui plutôt les fidèles catholiques - et non le clergé - qui ont un peu peur de dresser des ponts...

KERALA
En arrivant à Cochin dans le Kerala - autre région très chrétienne -, l'ambiance est différente : nous passons de nombreuses églises, universités tenues par des religieux, un bâtiment de la société St Vincent de Paul. Mais nous passons aussi une "Jesus driving school", et des magasins "St Mary leather products" et "St Anthony electricals" !

Le Kerala est très chrétien puisqu'il y a 19% de chrétiens (aux côté de 24% de musulmans et d'une majorité d'hindous). Mais les chrétiens du Kerala sont particulièrement intéressants car ils sont très variés. Le Kerala est la région où  St Thomas apôtre est arrivé en 52 après J-C. Il a converti des gens à ce moment-là avant de voyager vers le Tamil Nadu (autre état indien) et d'y être assassiné. D'autres chrétiens de rite byzantins sont venus au 4ème siècle aussi de Terre Sainte en suivant un autre Thomas. Résultat, il y a aujourd'hui parmi ces chrétiens une majorité de catholiques romains (arrivés avec les portugais au 16e siècle), des catholiques syro-malabar (des catholiques datant du passage de st thomas, avec leur rite oriental propre mais adapté, romanisé depuis l'arrivée des portugais), des chrétiens syro-orthodoxes (a priori des chrétiens datant du passage de st thomas ou de la vague arrivée au 4ème siècle, mais orthodoxes et dont le rite n'a évidemment pas été romanisé par les portugais) et des catholiques syro-malankar (des chrétiens de rite byzantin, très proches du rite orthodoxe, qui n'ont rejoint l'église catholique qu'en 1930). Il y a même d'autres variantes, dûes aux différentes influences, aux schismes et recompositions... C'est du coup assez compliqué mais intéressant, et surtout très riche de rites variés.

Finalement nous avons visité des églises syro-orthodoxes et syro-malabares. Nous avons logé dans une maison d'hôte tenue par une famille syro-orthodoxe très pieuse et très profonde, mais très humble et très ouverte. Nous avons assisté à une messe syro-malabare en mayalayam (et en arabe ?) moins évidente à suivre quand on ne comprend pas la langue, et rencontré un prêtre et un séminariste syro-malabar. Tous nous ont semblés relativement proches.

En allant à la messe en Inde, nous avons senti différents styles et attitudes : à certains endroits on se déchausse dans les églises, comme pour les temples hindous. A d'autres, les chants sont très "pop" et le niveau sonore très excessif. A d'autres, le rite traditionnel un peu obscur pour nous semble très important. Si certains semblent un peu identitaires, nous rencontrons aussi des gens à l'ouverture et à la vision qui nous impressionne. Le pays est immense et toutes les régions ne sont pas aussi "avancées". Dans tous les cas il existe des congrégations indiennes, des régions dans lesquelles le catholicisme est très implanté, et partout un dynamisme et une écoute spirituelle très vifs : on sent que l'Inde va peser dans l'Eglise de demain (à l'image de ce qui se passe chez les jésuites : il y a aujourd'hui 4 000 jésuites indiens, sur 20 000 dans le monde).


4/ Quelques citations pour illustrer les fruits du dialogue interreligieux


Jules Monchanin (prêtre catholique), Henri Lesaux (bénédictin breton), Bede Griffith (bénédictin anglais), Raymond Panikkar (prêtre catholique indo-catalan), sont tous des religieux catholiques ayant tenté de mieux comprendre et même de vivre l'hindouisme à partir du milieu du XXème siècle. Voici quelques unes de leurs citations les plus intéressantes :
«Je suis parti chrétien, me suis découvert hindou et retourne bouddhiste sans avoir cessé d’être chrétien.», Raymond Panikkar
«Plus nous osons cheminer sur des sentiers nouveaux, plus nous devons rester enracinés dans notre tradition et ouverts aux autres, à ceux qui nous font savoir que nous ne sommes pas seuls et nous permettent d’acquérir une vision plus ample de la réalité», Raymond Panikkar
"Toute l'histoire de la Chrétienté est une histoire d'enrichissement et de renouveau apporté par des éléments qui venaient en dehors d'elle; si l'Eglise veut vivre, elle ne devrait pas être effrayée d'assimiler des élements qui viennent d'autres traditions religieuses, dont elle ne peut plus ignorer l'existence", Raymond Panikkar
« Il s'agit, non de s'adapter par tactique aux coutumes de l'Inde, mais de s'assimiler par amour ce que l'Inde a d'essentiel dans les modes de son expérience spirituelle, de sa pensée, de sa vie consacrée. La tâche immense qui nous sollicite est de repenser toute l'Inde en chrétien et le christianisme en indien. La greffe de la révélation que les Pères grecs ont faite jadis sur la pensée hellénique, doit être tentée aujourd'hui sur la pensée indienne.", Jules Monchanin
"Ce que l'Inde apporte finalement à la Chrétienté, c'est essentiellement une profonde purification de la notion de Dieu, de nos manières de pensée et des formes auxquelles nous identifions la Chrétienté.", Henri Lesaux
"Pour trouver Dieu en réalité, il faut descendre jusqu'à cette profondeur de soi où l'homme n'est plus qu'image de Dieu ; là même où au jaillissement de soi, il ne se trouve plus que Dieu.", Henri Lesaux
"L'esprit qui nous révèle Dieu est ce murmure indicible en quoi s'achève la parole.", Henri Lesaux
"Le péché n'est pas ce qu'en font les moralistes. L'état de péché c'est d'être distant de Dieu.", Henri Lesaux
« J’ai découvert le Graal. Et cela je le dis, l’écris, à quiconque peut saisir l’image. La quête du Graal n’est au fond que la quête du Soi. Quête unique signifiée sous tous les mythes et symboles(...) Et pour cette quête, on court partout, alors que le Graal est ici, tout près, il n’y a qu’à ouvrir les yeux. », Henri Lesaux
"Le plus gros obstacle dans la vie est la place de notre volonté égoïste; soumettre notre ego est la chose la plus difficile que nous puissions faire, c'est la chose la plus essentielle aussi.", Bede Griffith

Dernières citations de Kabir, un mystique du 15ème siècle, inclassable entre Islam et Hindouïsme, qui célèbre l'Amour dans de nombreux poëmes, et a notamment beaucoup inspiré les gurus fondateurs du sikhisme ainsi que Gandhi :


-  "Aussi longtemps que l'homme réclamera le Moi et le Mien, ses oeuvres seront comme zéro"
-  "Bénarès est à l'est, La Mecque à l'ouest; mais explore ton propre coeur, car il y a là et Rama et Allah."
-  "Je ris quand j'entends dire que le poisson dans l'eau a soif.
    Tu ne vois pas que le réel est dans ta maison
    Et tu erres insousciant de forêt en forêt.
    Chez toi est la vérité !
    Vas où tu veux, à Bénarès ou a Mathura :
    Si tu ne trouves pas ton âme, le monde pour toi est sans réalité"
-  "Ô Seigneur incréé, qui Te servira ?
    Chaque fidèle adore le Dieu qu’il se crée ; chaque jour il en reçoit des faveurs.
    Aucuns ne le cherchent Lui, le Parfait, Brahma, l’indivisible Seigneur.
    Ils croient en dix Avatars; mais un Avatar, 
    endurant les conséquences de ses actes, ne peut être l’Esprit infini.
    L’Un Suprême doit être autre.
    Les Yogi, les Sangasi, les Ascètes se disputent entre eux.
    Kabir dit : « Ô frère, celui qui a vu le rayonnement de son amour, celui-là est sauvé ! »"

Des liens vers leurs biographies :
http://www.raimon-panikkar.org/francese/biografia.html
http://www.bedegriffiths.com/bede-griffiths/
http://www.monasticdialog.com/a.php?id=751
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Monchanin
http://www.fraternet.com/magazine/etre3009.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kab%C3%AEr