Thursday, March 31, 2011

KuNgoni

Mua Mission a été créée en 1902 lorsque 3 pères blancs (Missionaires d'Afrique)  plantèrent leurs 3 tentes sous un baobab. Eglise, hopital, école et maison de lépreux furent les principaux éléments de cette mission, première implantation catholique au Malawi.
Dans les années 1960, le père Claude Boucher, un prêtre blanc québecois également artiste, s'interesse de très près aux cultures des ethnies malawites. Il noue de très bonnes relations avec des sculpteurs et des peintres locaux. Et il est même initié aux traditions secrètes du "Gule Wamkulu", un ensemble de danses traditionnelles, alors que ce privilège est très rarement accordé à des gens extérieurs. Après une formation d'anthropologie, il ouvre à Mua le centre culturel "KuNgoni" en 1976, et ses amis artistes le rejoignent.
30 ans plus tard, environ 200 sculpteurs sont affiliés à KuNgoni, ainsi que des peintres. Ce centre est probablement un des rares endroits en Afrique où des oeuvres ne sont pas fabriquées uniquement pour être vendues à des touristes. Il a désormais une réputation mondiale, a meublé des églises et des bâtiments officiels. Certains de ces artistes ont une carrière internationale, et la créativité y est toujours très importante, avec des styles et de jeunes artistes qui émergent régulièrement.
A côté de cela, le père Boucher a aussi rassemblé en 30 ans un travail considérable de documentation dans un musée passionnant qui détaille les traditions de trois ethnies : les Chewas (majorité de malawites), les Ngonis (une ethnie proche des zoulous qui migré d'Afrique du Sud au XIX), et les Yaos (une ethnie qui a fait du commerce d'esclaves avec les arabes et est désormais musulmane). Le musée détaille pour chaque ethnie les cérémonies des grandes étapes de vie : naissance, puberté, mariage, mort, et choix et intronisation d'un nouveau chef. Il expose et explique aussi la fonction et la signification de centaines de masques cérémoniaux utilisés par le "Gule Wamkulu" dans une collection unique au monde. Des danses rituelles "Gule Wamkulu" sont utilisées lors d'enterrements, intronisations de chefs, ou autres moments importants de la vie du village. Chaque masque représente un animal ou personnage, a sa personalité, et illustre un comportement désirable ou indésirable selon la morale Chewa. En effet contrairement a certaines idées reçues, ces ethnies du sud du continent ont une règle morale très rigide que chacun se doit de suivre afin de ne pas être mis au ban de la société. Il y a aussi un masque un peu rose avec une calote blanche, introduit lorsque Jean-Paul II, le "grand guérisseur catholique", visita le Malawi en 1989.
Mua alliant intérêt pour les cultures locales et foi catholique est un creuset pour le développement de l'inculturation, c'est à dire le dialogue critique entre la culture locale et l'Eglise, chacune des deux entités se "nourrissant" de l'autre. C'est une autre dynamique, bien plus constructive, respectueuse et riche, que celle de certains missionnaires (pas tous, mais beaucoup), qui ont imposé leur religion en Afrique et ailleurs. Comme nous l'explique le père Boucher, c'est le message du Christ qui est important, bien plus que le récit de la bible. La représentation de Marie visitant sa cousine Elisabeth, toutes deux noires, portant des habits africains et des pots sur la tête, n'est finalement pas si différentes des vierges blondes aux yeux bleus qu'on peut voir dans les peintures renaissance en Europe. Et d'un autre côté, les chants et danses locaux intégrés à la liturgie nourrissent la richesse de l'Eglise en général.
C'est aussi une approche invitant à la tolérance et au respect, à l'harmonie et au dialogue entre les cultures et religions. A priori tout le monde croit en un seul Dieu au Malawi (chrétiens, musulmans, mais aussi les chewas, ngonis et yaos), et tous essaient de voir plutôt ce point commun que des différences. L'entraide entre religion est fréquente : après une tempête, le toit d'une église s'étant envolé, l'imam local a proposé aux catholiques d'utiliser sa mosquée pour leurs messes. Le dialogue oecuménique est aussi très riche : ainsi pour Pâques cette année, des anglicans, luthériens et catholiques s'apprêtent à vivre un chemin de croix commun lors du vendredi saint.

3 comments:

  1. Wouah! impressionant. C'est plus que de l'Oecuménisme, c'est plus que de la tolérence, c'est le respect avec un R.
    Quel bel exemple!
    Dad

    ReplyDelete
  2. This comment has been removed by the author.

    ReplyDelete
  3. Belle leçon et bel exemple que nous donnent ces communautés !

    ReplyDelete