Nous sommes impressionnés de voir à quel point les quartiers ont été conçus pour séparer les populations des diverses couleurs et éviter qu’elles interagissent. Ces quartiers sont très éloignés du centre (blanc), et le quartier des "coloured" - Mitchell's Plain- est séparé de celui des "blacks" - Khayelitscha, Philippi, Nyanga - par une large bande de terrain inconstructible. Bien sûr, rien n'a été prévu pour "occuper" les gens et on n’a pas favorisé l'implantation d'industries à proximité de la main d'œuvre.
Cependant, maintenant que les choses ont été ainsi pendant plusieurs années, des équilibres se sont établis : avant de vouloir tout changer, il faut faire attention aux impacts que cela aura. Par exemple en terme de transports: dans toute l'Afrique du sud un système de minibus taxis informel s'est mis en place, peu coûteux et apparemment très efficace. Les gens peu aisés le connaissent. Si l'Etat investissait beaucoup dans de nouvelles infrastructures de transport en commun, cette industrie semi-formelle en souffrirait.
Par ailleurs, ils faut apprendre à nous méfier de nos préjugés d'européens: au lieu de nous horrifier devant ces gens qui vivent dans ce que nous appellerions "logement insalubre" il faut commencer par différencier ceux qui ont de l'eau courante, ceux qui ont de l'électricité, certains ont une partie de leur murs en durs, et la totalité ont la possibilité d'améliorer leur logement à mesure qu'ils en gagnent les moyens, souvent en y ajoutant une ou plusieurs pièces en tôle ondulée à l'arrière. Cela a l'immense avantage d'être flexible, et bien sûr il n'y a pas besoin de permis de construire. Nos interlocuteurs ont l'air de penser qu'il faut contribuer à améliorer les choses dans d'autres champs que le logement, notamment en aidant à la création de travail pour les gens des townships.
Un grand merci à Wolfgang de nous avoir consacré son temps et partagé ses connaissances des cape flats.
Nous avons aussi rendu visite à la boutique Township Patterns qui vend dans un centre commercial chic des habits au design inspiré des townships, et confectionnés par des coopératives de femmes des cape flats. Une ONG (ASB) s'occupe d'aider à monter ces coopératives, de former et approvisionner les femmes, et une entreprise s'occupe de vendre leurs produits. Nicole-Marie et Oné nous ont gentiment consacré de leur temps pour nous expliquer comment elles montaient une coopérative, du recrutement à la formation, puis au suivi du travail effectué. Les produits finis, dans les rayons de la boutique townships, sont bien tentants... à quand leur disponibilité en Europe ...?
Nous avons enfin passé une autre matinée dans les townships avec Abalimi, une ONG qui y soutient le développement de jardins potagers et développe un business équitable de paniers bio issus des townships. C'est Christina, une "fermière" d'une soixantaine d'année, qui nous montre les différents jardins au cœur des townships. Elle nous explique que dans chaque jardin, il y a entre 6 et 9 personnes qui travaillent. La plus grande partie de la production est destinée à la vente en gros (à l'entreprise de paniers bios, ou bien aux supermarchés locaux), ce qui est le plus rentable pour eux, mais une petite partie est obligatoirement pour les "fermiers", pour leur consommation propre et celle de leur voisinage. Cela donne accès à des légumes à des gens qui les ont souvent rayés de leur alimentation, créant des problèmes d'obésité. Rob, l'initiateur du projet Abalimi, nous explique qu'ils ont recréé une étape nécessaire entre le cultivateur de subsistance et l'exploitation agricole. En effet, si beaucoup rêvent d'arriver grâce à leur travail à un niveau de vie occidental, peu sont prêts à y mettre le temps et l'énergie nécessaire pour y parvenir. Ils sont donc très contents de trouver cette étape qui leur permet à la fois de consommer le produit de leur travail, et de gagner par ce même travail assez d'argent pour faire vivre leur famille. A ce jour, Abalimi compte environ 300 fermiers dans les townships, et environ 1000 à 2000 personnes qui ont été formées et ont acheté des graines et terreaux pour créer leur propre potagers.
En bref, c'est passionnant de voir le dynamisme des gens qui veulent faire évoluer les choses. Ils sont unanimes sur le fait que cela demande du temps, et de l'intelligence pour comprendre avec finesse les enjeux locaux et apporter des solutions réellement pragmatiques et adaptées.
Merci beaucoup pour tous ces reportages qui nous permettent d'apprendre des choses passionnantes, et d'essayer de comprendre le fonctionnement de la vie là-bas. Arnaud ,Caroline et Hugues suivent aussi vos aventures avec beaucoup de plaisir
ReplyDeleteNous vous embrassons
Aude et Jean
Il est très intéressant de voir l'organisation locale de ces personnes dont la culture est si différente de la nôtre. Je suis tout à fait d'accord avec vous, Aude et Jean.
ReplyDeleteJe vous embrasse
Trés intéressant l'initiative sur la marque "township patterns" de la ccopérative de femmes. Le concept est trés contemporain et peut marcher en Europe et Amérique du Nord, notamment sur le web avec le bon réseau et les bons outils commerciaux.
ReplyDeleteDad