Saturday, September 17, 2011

Dharavi


Mumbai est la capitale économique de l'Inde : plus de 50% des exports du pays passent par son port. Construite en grande partie sur de la terre prise sur la mer (comme les Pays Bas), l'immobilier y est très cher, et pourtant, 55% des 16 millions d'habitants vivent dans des "slums", bidonvilles à l'indienne. Si vous avez vu le film "Slumdog Millionaire" sorti il y a 2 ans, alors vous aurez peut-être une idée de ce à quoi peut ressembler un slum, c'est à dire les bidonvilles à l'indienne (si vous n'avez pas vu ce film, on vous le conseille vivement). Au début, des personnes construisent des logements de fortune sur un coin de terrain inoccupé, puis ils sont rejoints par d'autres et petit à petit, certaines habitations sont construites en dur. Le terrain sur lequel sont construits les habitations appartient à l'état, mais les habitations sont privées et leurs habitants en sont propriétaires. Une loi récente à déterminé que les logements construits de cette façon avant 2000 sont tous légaux.

Le plus connu des slums de Mumbai est Dharavi, un triangle de terrain coincé entre les deux lignes de train principales de la ville et le nouveau district d'affaires de la ville. Plus d'un million de personnes vit et travaille dans cette zone de 1,7km². Mais contre toute attente, ce n'est pas une zone économique sinistrée : au contraire, cette zone génère près de 700 millions d'euros de chiffre d'affaire par an ! En effet, de nombreuses industries y sont établies, de façon artisanales et dans des maisons privées, qui font vivre non seulement les habitants des slums, mais aussi des travailleurs migrants venus d'ailleurs en Inde.

L'industrie qui nous à le plus impressionnée est celle du recyclage de plastique. Chaque jour, de nombreux enfants apportent toute sorte de déchets en plastique récoltés dans la ville entière : bouteilles vides, carcasses d'ordinateurs ou de télévision, vieux emballages. Ces plastiques sont triés à la main par type de plastique, puis découpés en petits morceaux par une machine ressemblant à un presse-purée géant. A l'étape d'après, les morceaux sont lavés et séchés, puis teints, et fondus en petites billes de plastique. Le résultat final est  revendu aux entreprises et usines de l'Inde entière. Chaque étape est indépendante, et souvent située dans une maison différente. Les travailleurs migrants employés pour l'essentiel du travail vivent sur place, afin de ne pas dépenser inutilement leur salaire d'environ 3000 roupies par mois (soit 50€, bien plus que ce qu'ils pourraient gagner à la campagne) car ils doivent le rapporter à leurs familles au village, où ils rentrent en général pour 2 mois au moment de la mousson.

Parmi les autres industries qu'on à pu apercevoir, on notera les tanneries : peaux de chèvres et de buffles (pas de vaches, car elles sont sacrées) sont apportée, les poils retirés, la peau teinte et cirée, puis le cuir utilisé pour chaussures, blousons, ceintures, sacs ou autres. Ailleurs, des ouvriers récoltent divers objets en aluminium, et les fondent pour en faire des briques, ensuite revendues aux entreprises. Pour beaucoup, les ouvriers de ces industries travaillent dans des conditions dangereuses, sans aucune protection, et respirent des fumées parfois toxiques. Nous avons aussi vu de la reconstitution de cartons : un type collectait des grands cartons d'emballage un peu endommagés, découpe les parties cassées (qui seront recyclées) et recompose des cartons entiers en bon état qu'il revend aux entreprises pour emballer leurs produits. Ou encore, on voit des hommes tremper de longs tissus afin de les teindre dans des grands chaudrons fumants. Une partie de ces tissus seront par la suite imprimés à la main par des femmes en utilisant la technique du "bloc printing". Des ateliers de couturiers fabriquent ailleurs des vêtements prêt-à-porter. On trouve aussi des fabricants de meubles, de pots en terre cuite, des recycleurs de bidons d'huile de cuisine... Sans parler de tous les commerces nécessaires pour soutenir une communauté d'un million de personnes : restaurants, coiffeurs/barbiers, marchands de légumes ou d'épices, médecins, banque (sisi, il y a un DAB dans le centre de Dharavi), boutiques, etc.

De nombreuses personnes vivent dans Dharavi mais travaillent à l’extérieur, dans les quartiers plus chics de la ville, dans des commerces ou entreprises où ils gagnent plutôt 6000 roupies par mois (100€). Il y a donc des quartiers plus chics que d'autre au sein de Dharavi. Certains qui pourraient peut être se permettre financièrement de vivre ailleurs choisissent de rester pour la vie de communauté vibrante. Dans un logement moyen, de 10 à 12 m², avec électricité, et de l'eau courante environ 3h par jour, vie une famille de 2 à 5 voire 6 personnes. Ils ont un coin douche (une bassine derrière un rideau) et un coin cuisine (un réchaud, un pot pour conserve l'eau bouillie, pas de frigo), et ils déroulent leurs matelas pour dormir sur le sol la nuit. Moins d'un pour cent des logements sont équipés de toilettes, il y a donc des toilettes communes par quartiers.
Point noir de slums : les infrastructures. Si le gouvernement doit légalement apporter électricité et eau courante aux habitations, cela est très mal fait. Des douzaines de fils électriques se croisent au dessus des têtes des passants dans des ruelles extrêmement étroites, et parfois un fil à nu déclenche un incendie. La tuyauterie est à même le sol, fuit, sans parler de l'écoulement. Enfin, pour l’enlèvement des déchets, les habitants s'arrachent les cheveux, car la municipalité corrompue n'envoie personne, et des tas d'ordures pestilentiels s'accumulent à quelques mètres des habitations.

Mais l'immobilier dans Mumbai devenant de plus en plus cher, les développeurs mettent une forte pression sur les habitants de Dharavi en particulier, pour les inciter à les laisser raser les logements à 1 ou 2 étages, pour y construire de grandes tours en béton, où ils seraient relogés (et les appartements supplémentaires seraient loués à bon prix). Mais la cohésion de la communauté, et les petites industries resisteraient-elles aux déménagements dans les tours? Pour l'instant le projet à été refusé à plusieurs reprises, mais une nouvelle version remaniée ne va pas tarder à être mise en avant. Il y a peu de chance que Dharavi resiste encore très longtemps à la lente croissance du quartier d'affaire de Bandra, juste au nord?

1 comment:

  1. Merci beaucoup pour ce nouvel article. C'est très intéressant et cela permet de voir le fonctionnement d'une communauté et la solidarité entre ses membres... ce que nous ne voyons pas chez nous... en tout cas, pas de cette façon.

    Bizzz

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