1/ 3 grandes religions fragmentées
Les 3 grandes religions du Livre sont évidemment très présentes en Terre Sainte. Le Judaïsme, le Christianisme et l'Islam vivent côte à côte quasiment partout. Mais si de loin on a tendance à opposer ces trois grands ensemble, sur place on réalise très vite que chacune de ces trois grandes religions est composée de sous-ensembles très différents.
Chez les juifs, il y a très peu en commun entre les ultraorthodoxes antisionistes en habits noirs du quartier de Mea Sharim à Jérusalem, les colons de Hébron, les juifs modérés de Tel Aviv, ou encore les juifs qui dansent sur de la techno pour convertir les autres juifs à leur mouvance (si si !).
Chez les musulmans, il n'y a aucun rapport entre les fondamentalistes et les modérés : à l'entrée d'une mosquée à Tel-Aviv, un homme a voulu dire à Clémence qu'elle ne pouvait entrer. Un autre type est arrivé et lui a fait comprendre qu'il était fatigant, et nous a extrêmement bien accueillis, nous a offert du thé et nous a laissé déambuler à notre guise pendant qu'il retournait à sa prière.
Chez les chrétiens, idem : il y a par exemple peu en commun entre les franciscains qui tentent d'aider les pierres vivantes de Terre Sainte - les arabes chrétiens pris entre deux feux -, et les évangéliques sionistes qui sont convaincus qu'il faut soutenir Israël à tout prix pour que le Christ puisse revenir une fois Israël "pleinement rétabli" !
2/ La lettre et l'esprit de la lettre
Nous avons l'impression qu'au sein de toutes ces religions, il y a ceux qui s'enferment dans un rapport rigide et simpliste à la lettre et à la règle, et il y a ceux qui s'attachent à rechercher personnellement l'esprit de la lettre.
Les premiers s'enferment dans la prétention d'avoir trouvé, ne se posent plus de questions. Les seconds sont en recherche, et sont ouverts à tout dialogue constructif, même avec ceux qui sont très différents d'eux, même avec la science et l'histoire.
Il est dommage que les premiers, par leurs excès, soient souvent ceux qui parlent le plus fort au nom d'une religion tout entière. On a du coup souvent l'impression que les religions sont définies uniquement comme un ensemble de rites, de règles et d'interdictions figés, et que les gens les "plus religieux", sont ceux qui suivent le plus strictement les règles et s'offusquent le plus fort de ceux qui ne les suivent pas. Ils ont l'impression d'être les plus exigeants, alors que suivre des règles, dans un certain sens, est trop facile, trop enfantin. Une personne attachée à la règle et au texte sans interprétation n'a pas à se poser de question, ou alors juste pour trouver des stratagèmes pour faire ce qui lui convient tout en suivant la règle en apparence : ainsi au moment de la Pâques juive, la règle est de ne pas manger d'aliments avec de la levure, pour se rappeler que lors de la fuite d'Egypte les juifs n'ont pas eu le temps de préparer un vrai repas. Certains utilisent de la farine de pomme de terre pour fabriquer sans levure un pain très proche de ce qu'ils ont d'habitude. N'est-ce pas hypocrite, voire finalement contraire au but recherché ? Les musulmans qui blâment ceux qui ne suivent pas le ramadan, ou certains catholiques qui vont à la messe tous les dimanches et critiquent ceux qui ne le font pas alors qu'eux-mêmes ne sont pas capables de donner une pièce à un pauvre vivent une incohérence similaire.
Etre très catégorique sur certaines questions par exemple morales peut donner l'impression d'être très exigeant : en fait il s'agit souvent de fuir l'effort d'appréhender en finesse et avec humilité la complexité de la réalité.
3/ Quel est le but des religions ?
L'étymologie du mot religion est "relier". Tisser des liens, avec Dieu mais aussi et surtout avec les autres hommes, surtout les plus différents. Il y a une logique d'ouverture. Il y a bien sûr une notion de foi qui entre en jeu, mais sans jamais oblitérer l'intelligence, et pas pour s'enfermer. Il s'agit de s'approprier un cheminement.
Nous pensons que les personnes qui demandent juste des règles strictes ne suivent pas une religion mais qu'elles ont un comportement sectaire. Ces personnes s'enferment dans un chemin standard, elles ne sont pas en recherche, refusent de se fatiguer à utiliser leur intelligence, et endorment leur conscience au lieu de l'éveiller. Ce sont ces gens qui vont avoir des excès de superstition, s'enfermer par peur de l'autre, de l'extérieur, du monde moderne, se refugier dans des fantasmes...qui sont souvent exploités au niveau politique.
Nous avons par exemple appris que les musulmans avaient le droit de boire de l'alcool : ils sont juste censés être sobres au moment de la prière (qui est régulière puisqu'elle a lieu 5 fois par jour). Mais cela doit être trop compliqué à expliquer, à comprendre, à mettre en pratique, ou à remettre en question et à tolérer. De la même manière les burqas ou autres sont juste des interprétations bien pratiques pour certains. Nous avons ainsi été très agréablement surpris de comprendre que dans l'Islam modéré, c'est la conscience individuelle qui prime les règles, en dernier recours, tout comme dans le catholicisme.
Dommage que tant de gens ne voient, ou ne cherchent à voir les religions que sous ce faux angles des interdits, soit pour imposer leurs vues, soit pour s'éloigner de toute religion. Dans les deux cas il s'agit juste de se fermer au questionnement fondamental. En réalité, les religions servent à aider les hommes à éveiller leur conscience, à s'ouvrir en se libérant de leurs préjugés et de leur prétention, à dialoguer, à se poser les bonnes questions avec toute leur intelligence, à trouver petit à petit leur propre réponse individuelle, et à grandir en humanité et en sagesse.
Rien à voir avec des comportements castrateurs ou des doctrines prétentieuses ! Le bonheur est à ce prix, il n'est pas dans un quelconque confort hors de tout questionnement, et duquel on se réveille douloureusement tôt ou tard.
Pour ce qui est de la "doctrine" catholique : avant de juger ce que dit le pape, il faudrait l'avoir entendu ou lu avec bienveillance plutôt que de s'arrêter à ses préjugés ou à des retranscriptions incomplètes et hors contexte... Même beaucoup de catholiques ne font pas cet effort et pensent à tord que l'église enferme dans tout un tas d'interdictions (qui a lu le texte révolutionnaire "l'amour dans la vérité" qui pourtant pourrait inspirer tous les activistes du développement durable et de l'économie solidaire ? Ses pistes et valeurs seront certainement petit à petit utilisées, il est juste dommage de ne pas gagner un peu de temps en les considérant dès maintenant avec honnêteté). Pour comprendre, il faut tout de même chercher un minimum à comprendre. Nous sommes certains qu'il est possible de faire le même effort avec les autres religions. La multiplicité des éclairages et des questions n'est pas dangereuse, c'est au contraire une logique d'ouverture enrichissante, nourrissante et indispensable.
En Terre Sainte et partout ailleurs, les premiers - les tenants de la règle - ne se rendent pas compte que leur rigidité orgueilleuse fait plus de mal que de bien. Heureusement les second - les chercheurs de vérité -, tisseurs de liens entre les cultures et les religions mais aussi moins bruyants, sont nombreux. Nous en avons rencontré !
Merci beaucoup pour ces réflexions bien intéressantes et très constructives.
ReplyDeleteBisous