En Inde, il fait bien
mieux être un garçon qu'une fille, et cela pour deux raisons
principales :
- La dot : C'est l'élément
principal qui fait que la naissance d'un garçon est très clairement
souhaité et la naissance d'une fille redoutée. En effet, en Inde où
la grande majorité des mariages sont encore des mariages arrangés
(quelle que soit la religion), la tradition veut que la famille de la
jeune fille donne à sa fille des bijoux et un magnifique sari brodé
d'or pour son mariage, ainsi que de nombreux cadeaux à sa future
belle-famille (habits, montres, moto, sommes d'argent liquide... cela
fait l'objet de négociations intenses), et paie la totalité de la
réception. De nombreuses familles sont obligées de s'endetter pour
pouvoir marier leur fille/sœur/cousine. Il existe même le dicton
suivant : « Si on a une fille dans la famille, c'est 3
générations qui deviennent esclaves ». Depuis les années
1970, il y a une loi pour interdire la réclamation d'une dot par la
famille du garçon, mais cela n'a rien changé à la pratique.
- Le rôle familial et
religieux d'un garçon : Après son mariage, la fille partira dans sa
belle famille, ce qu'explique parfaitement un des personnages de « La
Cité de la Joie » de Dominique Lapierre : «Ma fille ne
m'appartient pas, elle m'a été prêtée par Dieu jusqu'à son
mariage. Elle appartient à celui qui sera son mari». (On notera que
quoi qu'il en soit, la fille doit appartenir à quelqu'un, que ce
soit son père ou son mari, il n'est pas question d'être libre). Le
garçon lui ne quittera pas sa famille : il restera habiter chez
ses parents tant qu'il y a de la place, et il gardera ses parents
chez lui dans leur vieillesse. Il leur procurera une aide domestique
(sa femme) et c'est sur sa descendance que trônera la grand-père,
patriarche familial. De plus, dans la religion hindoue, il est
important de bien accomplir les rites funéraires de crémation afin
d'être réincarné de façon favorable dans une prochaine vie. Or,
seul un garçon peut accompagner le corps d'un parent sur le bûcher
funéraire, ce rôle étant interdit aux femmes, c'est une raison de
plus de le garder près de soi (et de bien le traiter).
Ces 2 causes principales
ont des conséquences
- Avortement sélectif.
Comme en Chine, il est strictement interdit aux médecins de
communiquer à des futurs parents le sexe de leur enfant à naître.
Seulement, en Inde, tout devient possible avec un backshish, et
l'infanticide de petites filles est malheureusement monnaie courante.
Et ce n'est pas qu'une question de pauvreté ou d'éducation :
certaines familles riches (et éduquées), vont même faire une
insémination artificielle en Thaïlande où l'on peut choisir le
sexe de son future enfant. Et il demeure qu'aujourd'hui, dans
certaines régions, le déficit de filles commence à se faire
sentir, et ne tardera pas à poser de graves problèmes de société.
(remarque : il y aura peut-être une retombée inattendue :
la fin de la pratique de la dot pour les familles ayant une fille à
marier...?)
- Education. Quand on a
les moyens d'éduquer un enfant mais pas tous, c'est bien évidement
celui qu'on va garder que l'on envoie à l'école (alors que la fille
va appartenir à sa belle famille). Il y a une différence
d’alphabétisation importante entre garçons et filles dans la
plupart du pays : parfois l'écart est de plus de 30% ! Or
de nombreuses études démontrent le lien entre l'augmentation du
niveau d'éducation des femmes, la baisse de la surpopulation (gros
problème en Inde) et le développement économique d'un pays. Autant
dire que que le choix de ne pas éduquer les petites filles est lourd
de conséquences.
- Cercle vicieux. Comme
c'est par son fils qu'une mère acquiert statut et respect dans sa
belle-famille, celle-ci a tout naturellement tendance à favoriser
celui-ci au détriment de ses filles. Lui sera toujours servi le
premier, aura des morceaux de choix, tandis que ces dernières
devront se lever à l'aube pour aider aux tache ménagères, seront
toujours les dernières servies, etc. En témoigne cette scène vue
dans un train bondé : un jeune couple et leurs deux enfants (un
petit garçon de 3 ans et une petite fille de moins d'un an) montent
à bord. Le père arrive à trouver un coin de couchette où il
s'assied avec son fils, la mère reste debout avec son bébé dans
les bras. Il faudra que Clem aille demander à son voisin de déplacer
son sac à dos qui prend de la place sur la couchette pour que la
mère puisse s’asseoir, cela ne choquait absolument personne. Et le
cercle vicieux se propage de génération en génération car plutôt
que de tenter de rétablir l'équilibre entre leurs enfants, les
mères sont les premières à perpétuer ce genre de comportement
injuste.
Mais attention : en Inde,
tout est vrai ainsi que son contraire. L’Inde à eu une femme
présidente (Indira Gandhi, fille du premier président Nehru) dès
les années 1960, et le personnage politique le plus influent du pays
aujourd'hui n'est autre que Sonia Gandhi, la belle-fille d'Indira.
Des millions de jeunes femmes vont travailler et gagner leur vie dans
les plus grandes villes du pays chaque jour. Elles prennent souvent
pour ce faire un train ou un métro comportant un ou plusieurs wagons
« réservés aux femmes ». C'est également une femme
indienne qui est à la tête du gigantesque groupe Pepsico dans le
monde. On ne peut donc pas dire que les choses ne changent pas.
Mais si on voit une
évolution des mentalités dans les villes, à cause de l'influence
occidentale et d'une meilleure éducation tant des parents que des
enfants, ce n'est pas le cas dans les zones rurales. Comme nous l'a
dit un jeune jésuite, ce n'est pas une ou deux générations qu'il
faudra pour faire changer le statut des femmes dans les campagnes,
c'est plutôt 10 ou 15...
Sujet aussi difficile et passionnant que pour la Chine... Comment le vivent les femmes ? Vous dites qu'elles semblent perpétuer ces comportements. Elles trouvent cela normal ou elles ont peur ?
ReplyDeleteBisous
Pour les anglophones, une série d'articles intéressants sur le sujet par la BBC : http://www.bbc.co.uk/news/world-south-asia-13264301
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