Sunday, August 7, 2011

Religions et réflexions en quittant la mongolie




Nous sommes restés peu de temps en Mongolie, mais nous avons eu la chance d'y rencontrer des gens qui ont pû nous donner des explications sur le thème des religions et des communautés chrétiennes.

Avant l'ère communiste (1924-1991), la plupart des religions étaient représentées en Mongolie. Le chamanisme y est la pratique religieuse la plus ancienne : comme chez d'autres peuples cousins d'Asie et d'Amérique, le chaman assurait la médiation entre une communauté et le monde des esprits. Au 13ème siècle, le bouddhisme est devenu religion d'état suite à l'établissement de forts liens culturels, politiques et spirituels avec le Tibet (Les deux peuples nomades en terre hostile ont beaucoup de points communs et se sont ensuite au cours de l'histoire soutenus à plusieurs reprises face à la Chine). Dans la capitale érigée par Genghis Khan (détruite en 1368), la liberté religieuse était assurée, et la plupart des religions étaient représentées (Bouddhisme, Christianisme). Les chrétiens (comme la femme de Genghis Khan) étaient présents en Mongolie depuis le 7ème siècle : c'étaient des nestoriens - du nom d'un patriarche de Constantinople du 5ème siècle qui pensait que le Christ avait deux natures séparées, l'une humaine et l'autre divine-. Ils ont progressivement disparu.

Mais c'est surtout le communisme qui a maltraité toutes les religions sans exception. Les religieux ont quitté le pays et les nombreux monastères bouddhistes se sont vidés (ou ont été vidés). 10000 moines bouddhistes ont été massacrés dans les années 1920.

Depuis 1991 les différentes religions ont pû reprendre pied en Mongolie et les monastères bouddhistes se remplissent de nouveau. Le chamanisme des campagnes est aussi encore présent aujourd'hui et en fait très souvent mélangé au bouddhisme. En voyageant on croise parfois des stupas - construction blanche symbolique du culte bouddhiste - et plus régulièrement des "ovoos", des tas de pierres avec des drapeaux colorés, qui signalent un lieu reconnu comme sacré, souvent un lieu un peu élevé. On nous explique que les gens ajoutent une pierre à l'édifice et tournent trois fois dans le sens des aiguilles d'une montre en disant "je te donne une pierre, rend moi riche". (mais peut-être nous a-t-on un peu simplifié la prière). Dans l'une des familles dans laquelle nous passons, la mère est chamane. Il y a au fond de la ger - tente mongole - un autel avec des objets bouddhistes et chamaniques, et des offrandes variées de nourriture et boisson. A chaque repas, cette femme sort de la ger pour jeter du lait vers le ciel en faisant quelques incantations. Cette femme est très "religieuse", mais c'est malheureusement la personne la moins ouverte et la moins accueillante que nous avons rencontré. Sans vouloir généraliser il nous semble dommage que la pratique religieuse enferme au lieu d'ouvrir...

La communauté catholique de Mongolie est quant à elle l'une des plus petites au monde, avec environ 600 fidèles et une poignée d'églises. Il y a cependant une grande et belle cathédrale catholique à Ulaan Baatar, construite récemment en forme de "ger" (yourte) ce qui lui donne un air d'église byzantine. Nous avons la chance d'apercevoir une vingtaine de religieux catholiques de Mongolie (sur une soixantaine) rassemblés pour une réunion annuelle. Ils viennent d'Afrique, d'Asie et d'Europe et s'attachent à lancer et soutenir de nombreux projets d'intérêt commun (maison d'accueil pour les gamins de la rue, pour des handicapés, centres de formation, maternelles, écoles...), avec humilité et dévouement. Il n'y a pas encore de prêtre mongol, mais il y a un mongol actuellement séminariste en Corée du Sud.

Les protestants sont quant à eux désormais plusieurs dizaines de milliers dans le pays. On nous explique qu'ils ont eu un succès plus marqué car ils ont notamment investi le pays avec davantage de moyens. Les baptêmes sont aussi beaucoup plus nombreux car ils peuvent être quasiment immédiats chez certains protestants (chez les catholiques on ne peut être baptisés qu'après 2 ans de catéchuménat). Les protestants construisent aujourd'hui de nombreux temples à travers le pays.

Surtout, on nous parle à plusieurs reprises des riches mormons qui viennent deux par deux en costume faire du "yourte à yourte", jeter à bas les autels bouddhistes et tenter de convertir les gens. Si leur agressivité leur donne des résultats elle a aussi pour effet de braquer une bonne partie de la population contre les chrétiens en général. (Les mormons se considèrent chrétiens, mais ne le sont pas aux yeux des autres chrétiens car ils suivent surtout les textes de leur fondateur, et font preuve d'un sectarisme et de méthodes critiquables). Comme bien souvent ceux qui font le plus de bruit sont assimilés à toute une catégorie de personnes, et les mouvements plus représentatifs, plus constructifs mais plus discrets, en pâtissent.

Bien que les religions soient à nouveau autorisées depuis 1992, il reste de nombreuses contraintes importantes. La religion est en quelque sorte "interdite au moins 16 ans" : Il est interdit de parler de religion à un enfant de moins de 16 ans. Ainsi le catéchisme est interdit, ainsi que l'assistance à la messe d'un enfant sans ses parents. Des religieux catholiques ont fait les frais de ces règlementations (bien que la Mongolie soit devenue une démocratie l'ancienne police est plus ou moins restée en place...). Même porter un col romain en public pour un prêtre est mal vu par les autorités. En revanche il semblerait que des mouvements ayant beaucoup de sous soient moins inquiétés (la corruption est un problème important dans le pays et l'ancien président est assez probablement richissime)...

Dans tous les cas la Mongolie est aujourd'hui dans une situation particulièrement tangente. Une bonne moitié de sa population vit quasiment comme il y a un millénaire :  les mongols des campagnes habitent dans des gers qu'ils déplacent à chaque saison, avec tout leur bien et leur bétail. Bien sûr aujourd'hui quelques motos complètent les chevaux et des panneaux solaires permettent de recharger un téléphone portable ou de recevoir la télévision, mais l'essentiel reste le même. L'autre moitié de la population se presse dans les ville, surtout à Ulaan Baatar, ville "à la soviétique" embouteillée et polluée. Les arrivées à la ville trop brutales et décevantes, l'alcool, l'appât du gain à travers des larcins ont parfois des effets dévastateurs. Nombreux sont ceux qui survivent en fait dans un bidonville de gers à la périphérie de la ville. D'un autre côté la Mongolie devient la cible de nombreux investisseurs : les immenses richesses minières du pays attirent la convoitise de la Chine, de la Russie, mais aussi de l'Australie, du Canada... Des investisseurs plus ou moins recommandables arrivent en masse dans ce nouvel eldorado avec l'espoir d'un gain facile, sans avoir pour intention de prendre en compte les conséquences environnementales et sociales de leurs actions. Tout le monde attend le "boom" (la bulle ?) et on nous cite des français qui sont clairement là pour l'argent et disent : "En France on peut gagner 15 000 € par mois. C'est gentil. Ici je compte faire dix fois plus".

L'argent roi menace de déstabiliser beaucoup de choses, et dans ce cadre les réflexions et les valeurs que peuvent apporter les religions constructives pourraient être très utiles à la société et au gouvernement (pour l'instant apparemment plutôt méfiant vis à vis des requins de tout bords, contrairement à ses prédécesseur ultra-corrompus). Mais après la table rase du communisme et peu de temps pour planter des racines jusqu'aux confins de la Mongolie, leur impact sera probablement assez local...

2 comments:

  1. Merci beaucoup pour cet article très intéressant ! J'aime particulièrement la notion de "yourte à yourte" :-)

    Bizzz

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  2. J'ai exactement les mêmes remarques! Et j'ajoute que les photos de Mongolie - steppe et yourtes - m'ont fascinée...

    Bonne continuation.
    Marie-France de M

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