Sunday, May 20, 2012

Les religions au Brésil

Il y a au Brésil surtout des chrétiens. Beaucoup d'églises ou sectes évangéliques (des business pour la plupart), et des catholiques. L'Eglise catholique y est jeune, dynamique, engagée, même si ses fidèles mélangent parfois un peu foi et superstition ou cultes africains dans certaines régions. Nous avons aussi eu la chance de rencontrer des communautés religieuses à l'oeuvre sur le terrain, dans des endroits et sur des problématiques oubliés, faisant un travail magnifique.

Evangéliques
Nous avons été impressionnés par la place des églises évangéliques au Brésil. Les dénominations paraissent rocambolesques et peuvent faire sourire - “église mondiale du pouvoir de Dieu”, “église universelle du règne de Dieu”, “église quadrangulaire”, “assemblée de Dieu”, “église internationale de la grâce de Dieu” ou encore “église apostolique cellulaire” -, mais l'importance de ces églises étonne. A Bélem nous passons dans la rue de l'église catholique Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, et comptons ensuite 7 églises -ou garages- de différentes dénominations évangéliques. En plein centre de Salvador, devant la gare de bus et devant le grand centre commercial Iguatemi - principal de la ville -, trône un énorme édifice de l'église universelle du règne de Dieu, tout neuf, tout éclairé la nuit.

Ce qu'on appelle les évangéliques regroupe beaucoup de choses différentes : au départ un mouvement de protestants se voulant plus charismatiques, il s'agit aujourd'hui de groupes religieux se référant au Christ mais qui peuvent aller d'un petit groupe informel à une grande organisation. Il y a de tout : des groupes de bonne foi, d'autres sans doute moins, jusqu'à de véritables sectes. Tout dépend du pasteur (ou fondateur) et de son interprétation. Les gens viennent y chercher un contact humain, un sentiment d'appartenance, des réponses spirituelles, superstitieuses ou même matérielles...
Au Brésil, en revanche, nous comprenons, lisons et entendons que les “églises” évangéliques se rangent surtout dans la catégorie business : commencées souvent dans un simple garage par un “pasteur”, qui attire les gens en parlant de réussite, les gens semblent y venir en priorité par calcul financier plus que par recherche spirituelle (ce qui ne veut pas dire qu'ils sont tous de mauvaise foi ou qu'ils ne recherchent pas aussi un contact humain, un sentiment d'appartenance à une comunauté ou du spirituel). C'est cet angle que les pasteurs, souvent en costumes cravates, privilégient : dans le magazine édité par “l'église de la grâce de Dieu”, un vieil homme témoigne qu'il avait beaucoup de problèmes financiers, jusqu'à ce qu'il décide de faire une donation pour le “show de la foi” - la chaîne de télévision appartenant à cette église -, moment à partir duquel ses problèmes financiers ont été “miraculeusement” résolus.
A Recife nous nous promenons un samedi soir avec notre ami Aurélien et en voyant la quantité de gens dans les rues piétonnes du centre il nous assure qu'il y a certainement une star de rock internationale en concert. En fait il s'agit d'un meeting évangélique qui rassemble des milliers de personnes de toutes les générations, de toutes la région. Le pasteur parle, longtemps, avec un air savant, mais aussi avec beaucoup d'agressivité et de populisme. L'affiche promet une “vie victorieuse pour toi”.

Nous lisons que ces églises demandent en général à leur fidèles de donner 10% de leur revenus. Les pasteurs ont un marketing très agressif destinés aux plus crédules, en leur faisant miroiter un gain futur. Ce n'est pas grave qu'ils soient pauvres, tant qu'ils sont nombreux et donnent ce qu'ils peuvent. En effet si une église – montée dans un simple garage au départ - “prend” (souvent par rumeur, bouche à oreille et marketing intensif) et que les fidèles affluent, le fondateur fait grossir son organisation, investit pour monter des succursales un peu partout et peut devenir très riche. C'est apparemment le cas du fondateur de l'église universelle du règne de Dieu (appelée par certains “la pieuvre”, une organisation fondée il y a 30 ans, suivie aujourd'hui par au moins 15 millions de personnes et contrôlant 23 chaînes de TV et 40 de radio, ou le double de tout cela selon d'autres sources), Edir Macedo, enrichi en promouvant le concept de "théologie de la prospérité", et qui a des problèmes avec la justice notamment en ce moment pour blanchiment d'argent (il a aussi été en prison pour fraude et charlatanisme en 1992). En revanche le déclin peut venir aussi vite que l'ascension, puisqu'il s'agit quasiment d'un effet de mode, et que la concurrence est rude. Nous croisons ainsi sur les bords de l'amazone, dans des villages insignifiants, des édifices évangéliques abandonnés ou même pas terminés, l'organisation correspondante ayant probablement dû revoir ses “investissements”.
Autres religions
Parmi les religions présentes au Brésil on nous mentionne l'islam, mais très peu présent - notamment à foz de iguaçu et à manaus -, et le judaïsme avec une communauté importante à sao paolo. Nous entendons également parler des influences de spiritualité africaine : l'état de Bahia est célèbre pour le “Candomblé”, sorte de culte vaudou venu d'Afrique avec les esclaves. Mais en discutant on nous explique que c'est mis en avant pour les touristes, mais que cela ne représente en réalité que très peu de gens (moins de 1% de la population s'en réclame). En revanche il est vrai que les brésiliens sont souvent assez superstitieux, et dans beaucoup de domaines – notamment le foot -. Cela peut aussi se traduire par une certaine démesure dans l'expression de la foi, et un mélange d'influences dans le culte (pouvant alors justement mélanger une croyance héritée du Candomblé avec le catholicisme).
Une église catholique très engagée
Le catholicisme est quant à lui très important au Brésil (le premier pays catholique au monde). Au départ, les jésuites sont venus fonder des missions à partir du 16ème siècle -Sao Paolo comme une grande partie des villes brésiliennes, était une mission jésuite -, et ils se sont vite engagés pour défendre les indiens de la convoitise des colons qui voulaient les esclavagiser (par exemple Jose Anchieta et Manuel da Nobrega). Aujourd'hui l'église catholique brésilienne est encore très engagée : cette année pour le Carême, il y avait une grande campagne de solidarité et de lobbying montée par la conférence des évêques brésiliens pour militer en faveur d'une sécurité sociale digne de ce nom dans le pays. Un prêtre français nous dit : “On pense souvent que les évêques brésiliens sont communistes, qu'ils font de la politique. Mais il y a tellement de social à faire, que c'est inévitablement aussi faire de la politique”.
De la même manière, lors de la messe du dimanche de Pâques, à Santarem en plein Amazonie, le prêtre métis mentionne aussi dans son sermon qu'il est irresponsable de manger du boeuf et du soja ici, car ce sont ces activités qui dévastent la forêt et l'environnement.
Nous avons eu la chance d'entrapercevoir un peu la diversité de l'église au Brésil : nous avons assisté à des messes plus traditionnelles et “rangées” -comme à l'église de la Gloria de Outeiro à Rio- ou plus modernes et “envolées” – comme à Ipanema où le prêtre, qui avait une belle voix, chantait comme un rocker au milieu de la nef alors que les fidèles levaient les mains au ciel -. L'église est multiple au Brésil, bien sûr, et elle a des aspects novateurs qui sont peut-être en partie dûs à la concurrence des évangéliques : nous lisons, comme sur d'autres pays, que les évangéliques par leurs méthodes de marketing agressif ou tout simplement par leur accent sur l'expression personnelle, sur la communauté et par leur formes de culte très variées, influencent les catholiques depuis des années – notamment les charismatiques, et par exemple le père Marcello Rossi qui danse et chante apparemment dans ses messes diffusées à la télévision, qui a vendu plus de 12 millions de CD dans sa carrière, et dont nous avons vu partout le dernier livre "agape" - : ces charismatiques retrouvent la valeur d'une communication plus explicite et assumée, avec des moyens modernes, et une plus grande proximité des gens par exemple à travers des chants plus dynamiques et adaptés. En réalité ce sont sans doute plutôt les évangéliques américains, plus “honnêtes” en général que les business brésiliens, qui ont inspirés ces courant dans l'Eglise Catholique, mais la concurrence rude des évangéliques au Brésil rend sans doute ce genre d'évolution d'autant plus pertinente et rapide dans l'Eglise Catholique.
Congrégations religieuses, et “O Caminho”
Nous avons aussi eu la chance de rencontrer des religieux de jeunes congrégations charismatiques religieuses français - des communautés du Chemin Neuf et de l'Emmanuel -, qui font un très beau travail dans les paroisses qui leur ont été confiées. Et nous avons aussi beaucoup apprécié la vitalité d'une jeune et belle congrégation brésilienne : O Caminho.


O Caminho est une congrégation religieuse qui a 10 ans, inspirée entre autres des Franciscains et des Missionnaires de la Charité de Mère Teresa, qui se dédie à l'assistance aux pauvres et aux drogués. Nous avons rendu visite à des soeurs d'O Caminho installées depuis 2 ans dans une favela gérée par des narco-trafficants. En arrivant nous devons les suivre pour être identifiés comme “non-flic” par les gardiens de la favela qui par un signal alerteraient les traficants. Un des buts des soeurs est de s'approcher des drogués – qui viennent s'approvisionner en drogue à 50 mètres de chez elles – par le moyen de cafés gratuits, d'assistance et d'écoute, afin de faire partir ceux qui le souhaitent dans des maisons de désintoxication. Le drogué le plus jeune dont elles s'occupent a 10 ans. Elles jouent aussi un rôle de présence dans un coin abandonné de tous, où les gens ont des histoires terribles. Les familles de la favela, les trafiquants, les drogués, les anciennes prostituées, ont salué leur arrivée en disant : “pour nous vous ne pourrez rien faire, mais pour nos enfants peut-être...” Et la favela a déja un peu évolué : par respect pour ces filles de 18 à 25 ans en robe de bure il n'y a plus de règlement de compte sur la place face à leur maison. Ces soeurs ne vivent de rien, que de la providence. Elles ne veulent même pas peser sur le diocèse. Alors elles expérimentent ce qu'elles appellent la “providence exagérée” : elles comptent sur les aides spontanées et reçoivent finalement en surabondance du lait d'un marchand de la ville toutes les semaines, des gens du coin qui leur donnent des plats... Elles nous invitent à une petite fête chez elles pour fêter les 2 ans de leurs maisons. La porte sonne toutes les 3 minutes, pour un besoin ou un autre, souvent de nourriture. Inlassablement, avec gentillesse, elles donnent ce qu'elles ont reçu.
Nous visitons une autre maison de ces soeurs dans une autre ville, les croisant complètement par hasard et nous faisant inviter à déjeuner chez elles pour le dimanche des Rameaux : ici elles s'occupent plus des pauvres en général que des drogués en particulier, les accueillant tous les jours. Et une fois par mois, elles dorment dans la rue, car pour travailler avec les pauvres il faut d'après elles “comprendre le pauvre et sa vie”. Cette congrégation magnifique, qui compte plus de 200 soeurs, des frères et des laïcs qui donnent leur vie pour un travail de fourmi silencieux mais si beau, nous a beaucoup touché. Il y avait chez tous ces jeunes rayonnantes une ferveur et un don de soi impressionnants.
Ferveur et jeunesse
Il y a d'ailleurs en général au Brésil une grande ferveur. Les grands lieux de pélérinage brassent des millions de personnes, comme “Nosso Senhor de Bonfim” à Salvador, ou “Nossa Senhora de Nazaré” à Belem (il y a plus de 2 millions de pélerins pour le jour du “Cirio de Nazaré" en octobre, et des moyens de communications considérables -tv, radio, jouraux – pour ce seul sanctuaire). Comme déja mentionné, il y aussi souvent en apparence une grande superstition. Mais les gens semblent en général entiers, prêts à se donner avec générosité - les vocations religieuses sont d'ailleurs nombreuses au Brésil -. A un rassemblement de jeunes à Bélèm en préparation des JMJ, nous sentons un enthousiasme et une joie de vivre magnifiques. L'archevêque en tenue regarde avec bienveillance les saynettes préparées par des jeunes en jeans, qui hurlent de joie quand on leur dit que l'Eglise a besoin de saints contemporains, en t-shirt qui mangent des pizzas avec leurs amis : cela ressemble sans doute à des événements français comme le FRAT, mais nous n'y avons jamais été. Il y a certainement aussi au Brésil les qualités humaines des brésiliens qui rendent cette église d'autant plus accueillante et vive. 


Décidément, revenir à Rio l'année prochaine pour les JMJ serait une expérience enthousiasmante, dans ce pays si chaleureux, à l'église jeune, dynamique et engagée !

1 comment:

  1. Merci beaucoup pour toutes ces explications. L'Eglise possède de très nombreuses facettes, et c'est tant mieux !

    J'aime beaucoup le passage avec le prêtre qui chante comme un rocker ! Je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer la même chose chez nous, particulièrement dans notre paroisse :-)

    Bizzz

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