Tuesday, April 10, 2012

Récit de la remontée du fleuve Amazone

Mardi midi nous nous présentons au port de la compagnie Marcos Pinto, qui nous a vendu un billet pour une camarote (cabine) sur le navire Santarem pour remonter les 800km du fleuve Amazone entre la ville de Belem et celle de Santarem. Le vendeur nous a promis que nous y serions jeudi, mais tout le monde nous dit qu'on y sera à priori plutôt vendredi matin. Soit 63h de trajet. Nous sommes donc munis de provisions : bouteilles d'eau minérale, fruits, pain, fromage, charcuterie, et un paquet de gâteaux.
Le bateau se remplit peu à peu. Il y a 3 étages : le pont inférieur sert à entreposer la marchandise et comprend la cuisine du bateau, le pont intermédiaire comprend un douzaine de petites cabines pour 1 ou 2 personnes, chacune ayant une petite salle de bain avec toilettes et douche (à l'eau du fleuve) et de la clime, ainsi qu'une grande salle où la vaste majorité des passagers, environ 150 à vue d’œil, s'installent en accrochant leurs hamacs et entreposant leurs bagages en vrac en dessous. Jeunes, vieux, enfants cohabitent avec moins de 30 centimètres les séparant du hamac d'à côté. Il y a 5 salles de bain pour femmes et 5 pour hommes pour tout ce beau monde. Et un petit réfectoire tout au bout. Sur le pont supérieur, il y a encore 6 cabines, plus grandes celles là car il s'agit de suites, le bureau du capitaine, et le bar (où l'on peut acheter soit de la bière, soit des chips au fromage oranges fluo, soit des nouilles lyophilisées).

Mardi 19h : nous partons, avec juste une heure de retard. Nous faisons connaissance avec quelques autres passagers du bateau, dont Alain, un français qui vient de passer 2 ans et demi à travailler dans une fazenda dans le Panatal, région du sud du pays.

A un moment dans la nuit, un des deux moteurs du bateau tombe en panne. Nous apprenons cela au réveil et constatons en effet que nous n'allons pas bien vite. Nous arriverons donc un peu plus tard que prévu.

Mercredi : nous avons bien dormi, car nous sommes équipés de sacs de couchage. Certains des autres passagers dans les cabines ont eu très froid car la clime est centrale et il est impossible de la baisser ou de l'éteindre. Dans la journée nous rencontrons aussi un couple d'Icelandais, deux italiens, et un groupe de filles de nationalités différents (une allemande, une espagnole, une argentine...) qui voyagent un peu en mode hippie, ainsi que toute une flopée d'enfants brésiliens un peu surexcités à l'idée d'être sur un bateau, et qui courent un peu partout. Clem essaie d'apprendre à l'une d'entre elles à faire un bracelet, mais la demoiselle n'est pas très patiente et s'en va laissant tout en plan. 
Durant la journée nous passons de nombreuses habitations sur pilotis sur le bord du fleuve  : maisons, églises, parfois des scieries, ainsi que de nombreux canoës dans lesquels se déplacent les locaux, car il n'y a pas de route dans le coin. Nous sommes pris d'assaut à plusieurs reprises par des petits canoës pleins d'enfants qui se positionnent juste devant notre bateau, et à l'aide d'un grand crochet, s'accrochent sur le bord du bateau au moment où ils sont emportés dans notre sillon. Ils passent ainsi à l'abordage, attachant leur embarcation à la notre, et montent à bord pour vendre sachets de crevettes, pots de cœurs de palmier, où autres denrées locales. Ils se décrocheront lorsqu'un bateau passera dans l'autre sens pour les remporter chez eux.
Le soir, nous apprenons que d'autres passagers occidentaux ont déjeuner au réfectoire à midi sans être malade dans la journée, et nous tentons donc notre chance pour le dîner, un peu làs de ne manger que des sandwichs.
Jeudi 14h  : le deuxième moteur tombe en panne. Là c'est un peu la panique car un bateau sans moteur sur le plus grand fleuve de la planète, on ne contrôle pas trop où il va, c'est dangereux. Du coup plusieurs hommes plongent avec des cordes pour tenter de l'attacher à l'un des palmiers sur les rives. Les cordes n'étant pas attachées aubateau, on leur jete d'autres cordes à attacher aux premières. Au passage ils cassent un palmier et arrachent la corde à linge d'une famille, mais finissent par nous immobiliser, tandis qu'une famille de locaux nous observe depuis leur porche, impassibles. 
15h, n'y tenant plus, Stan veut profiter de cette pose pour explorer la foret qui borde le fleuve. Un jeune homme vient le chercher en canoë, mais il reviendra à la nage. L'appareil photo en profitera pour prendre un bain de rivière aussi.
16h l’électricité sarrête. Tout va bien, pas de panique. On se dit qu'on risque d'avoir à attendre plusieurs jours, qu'on nous envoie un mécanicien et des pièces détachés de Belem par le prochain bateau...
17h  : miracle, un des moteurs remarche  ! Nous voilà repartis. Et l'électricité revient  !
Pour se faire pardonner ce problème mécanique, la compagnie décrète que la soupe sera gratuite ce soir. En attendant nous avons loupé l'office du Jeudi Saint.
22h  : alors que nous venons de nous coucher, une vieille dame mal réveillée croit voir de l'eau sur le pont inférieur et déclenche une panique en criant que le bateau est en train de couler. En l'espace de quelques minutes, tout le monde à mis son gilet de sauvetage, les enfants pleurent, et certains tentent de décrocher les canots de sauvetage tandis que d'autres ont leurs bagages à la main, prêts à sauter. Le capitaine est obligé d'intervenir pour les calmer et les rassurer.

Vendredi  : On s'est visiblement arrêté encore quelques heures dans la nuit car nous arrivons dans un petit port d'étape avec encore plus de retard que prévu. Dans la matinée, après avoir fait des bracelets pour plusieurs des enfants, il y en a un, le petit Davidson (c'est son prénom) qui continue à être particulièrement hyperactif voire même franchement pénible. On découvre que ses parents lui donnent du café (sauve qui peut!). Clem fait une allergie au soleil à cause des médicaments anti-palu que nous prenons. Le fleuve doit être plus haut que la normale cette année car les maisons que nous passons sont inondées  : le niveau de l'eau est au dessus du seuil, et le gros bétail à de l'eau jusqu'au cou. Certains passagers jettent des sacs plastiques avec des vivres dedans en passant devant certains habitations, que des enfants en canoë s'empressent de venir chercher.
Ce n'est pas encore aujourd'hui que nous arriverons  : pas de chemin de croix, ni d'office du Vendredi Saint.

Samedi  : Nous voyons des dauphins de rivière à plusieurs reprise  : ils sont gris-rose. Stan est frustré de ne pas arriver à les prendre en photo, car ils sont trop furtifs.
16h  : alors que le capitaine nous avait assurer que nous arriverions pour 18h (si Dieu le veut) un navire militaire apparaît et nous détache une petite embarcation qui nous fait signe de ralentir (déjà que nous n'allions pas bien vite). Pendant environ une heure une demi douzaine de militaires vont faire on ne sait trop quoi à bord. Il y en a 2 dans la cabine du capitaine et 4 autres qui se promenent. A un moment on les voit en train de regarder les extincteurs (le moment est mal choisi pour voir si le bateau est aux normes!) Pendant ce temps là, quelques autres militaires font des ronds autour de notre navire, pendant une heure, en nous prenant en photo (???)
18h  : Santarem est enfin en vue  ! Nous espérons y être un quart d'heure plus tard, afin d'avoir le temps de poser nos sacs dans un hôtel et trouver une veillée Pascale  !
20h  : Le soleil est couché, et Santarem est toujours en vue, mais se rapproche vraiment très lentement.
21h  : enfin arrivés, nous filons du quai en courant, pour arriver dégoulinants devant deux églises différentes et constater que les veillées Pascales de la ville ont toutes commencées 2h plus tôt et sont quasiment finies. Nous sommes quittes pour la messe du Dimanche Pascal, ce qui est tout de même mieux que de passer le jour de Pâques sur le bateau sans messe. On aura fait le trajet en 98h au lieu de 63h.

Épilogue  : le bateau est reparti à minuit, sans nous, pour Manaus, en théorie à un jour et demi en amont, en pratique, sans doute plutôt deux jours et demi, et probablement au moins quatre jours 

1 comment:

  1. Wahou ! Que d'émotions!! Vous aurez réussi à arriver bon port et à trouver une Messe pour Pâques mais en vous lisant, on se demande comment va se terminer l'histoire!!

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